L’audience d’un motard a pris fin abruptement.

Fait rare dans les annales de la Commission des libérations conditionnelles du Canada : non seulement un membre des Hells Angels s’est présenté devant les commissaires aux libérations conditionnelles lundi, mais l’audience a pris fin quelques minutes à peine après avoir débuté.

Pascal Facchino, 49 ans, membre de la section de Trois-Rivières, demandait sa semi-liberté, c’est-à-dire l’autorisation d’aller en maison de transition.

Facchino purge depuis mars 2020 une peine de huit ans de pénitencier pour gangstérisme, complot et trafic de cocaïne après avoir été arrêté avec, entre autres, le Hells Angels Claude Gauthier, dans une importante enquête de l’Escouade nationale de répression du crime organisé (ENRCO) baptisée Orque.

Il est rare que les membres des Hells Angels se présentent devant les commissaires aux libérations conditionnelles. La plupart du temps, ils préfèrent éviter cet exercice et attendre leur libération d’office (aux deux tiers de leur peine), qui est habituellement assortie de conditions sévères.

Mais Facchino, qui a fait certains progrès, « pour qui l’incarcération semble avoir eu des effets dissuasifs et qui n’est pas un sujet d’intérêt pour les agents correctionnels », a dit son agente de libération, a décidé de tenter sa chance devant les commissaires Joseph Lainé et René Allard.

L’entrevue n’a pas duré longtemps.

À la première question du commissaire Lainé, Facchino a fièrement répondu qu’il est membre des Hells Angels et que les Hells Angels sont « un groupe de motos et de chums, qui aiment faire de la moto et la fête de temps en temps ».

Il a nié le fait que les Hells Angels sont une organisation criminelle, et que les membres sont nécessairement impliqués dans le trafic de drogues et les crimes de violence.

« C’est moi qui ai décidé de faire le trafic et non pas l’organisation. C’est moi qui ai décidé de faire ce choix de vie. Les membres de ma section l’ont appris quand je me suis fait arrêter », a expliqué Facchino, dont c’est la deuxième peine fédérale pour trafic de drogue – la première fois ayant été prononcée alors qu’il était membre des Jokers, un défunt club-école des Hells Angels.

La moutarde lui monte au nez

Visiblement contrarié, la moutarde lui montant au nez, le commissaire Allard est alors intervenu.

« M. Facchino, quand vous dites que les Hells Angels sont un club de bicycles, qu’ils font des randonnées, vous exagérez pas mal ».

« Vous avez fait une première sentence et vous êtes encore condamné pour avoir fait la même chose, au profit d’une organisation criminelle. Donc vous n’êtes pas seul. Vous versez une cote, vous partagez les profits. On n’est pas commissaires depuis seulement deux mois pour ne pas savoir ça. Vous pouvez continuer la séance ainsi, mais on n’est pas naïf non plus », a réagi le commissaire.

L’avocate de Facchino, MSylvie Bordelais a voulu intervenir, mais le commissaire Allard a refusé. Le motard a demandé de pouvoir parler à celle-ci, l’audience a été suspendue et n’a jamais repris par la suite.

Facchino a renoncé à son audience et son témoignage aura duré environ 5 minutes en tout.

Commis des visites

L’agente de libération de Facchino s’opposait à sa semi-liberté même si elle a souligné que le motard a fait des progrès.

Au pénitencier, Facchino occupe depuis trois ans le poste de commis des visites, « un poste de confiance », a-t-elle précisé.

« Il a été vu côtoyer des Hells Angels, mais n’est pas un sujet d’intérêt pour la sécurité.

En mars 2021, il a tenu des propos injurieux et a affiché une attitude intimidante envers un gestionnaire institutionnel, mais en général, « son comportement est conformiste et exemplaire, et il a une influence positive dans son pavillon », a-t-elle poursuivi.

À sa libération, Facchino veut retourner chez lui et reprendre son travail dans la construction.

Sa libération d’office est prévue en août prochain.

Déjà son agente a annoncé son intention de demander que lui soient imposées des conditions spéciales : de ne pas communiquer avec toute personne impliquée dans le crime, ne pas fréquenter les débits de boisson sauf la SAQ, ne pas posséder plus d’un téléphone et plus d’une carte SIM, fournir tous ses registres, factures téléphoniques et accès à des applications et sites, ne pas supprimer aucune information dans son appareil, ne pas avoir d’application de communications cryptées, divulguer toutes ses transactions financières, chercher ou occuper un emploi à temps plein et demeurer dans une résidence approuvée par les Services correctionnels durant au moins un an.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.