Un réseau de trafiquants de cocaïne démantelé récemment par le SPVM aurait eu comme stratégie de s’approvisionner en petites quantités à Toronto, se rendant même parfois deux fois dans la même semaine dans la Ville-Reine, en voiture, en faisant l’aller-retour dans la même journée.

C’est ce qu’un enquêteur de la Division du Crime organisé (DCO) du SPVM a raconté récemment durant l’enquête sur remise en liberté de l’un des accusés, Keven Berthiaume.

Berthiaume, 30 ans, a été arrêté et accusé de trafic de cocaïne à l’issue d’une enquête baptisée Atlas, durant laquelle les limiers de la DCO ont mis la main sur 104 kilogrammes de cocaïne – un record pour le SPVM – évalués à près de 2,3 millions, mais aussi sur des milliers de pilules de méthamphétamine et de comprimés de protonitazène, un opiacé plus puissant et dangereux que le fentanyl et l’héroïne.

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Des milliers de comprimés trouvés dans un mini-entrepôt de la rue Jean-Paul Vincent à Longueuil.

Un bourreau de travail

L’enquêteur Mathieu-Olivier Couture a expliqué que l’enquête a débuté le 11 novembre 2023, par des informations de sources concernant l’un des suspects, Shahid Humayun.

Les enquêteurs ont surveillé ce dernier durant 25 jours, et l’ont vu effectuer plus de 80 échanges de sacs, pas seulement à Montréal.

« C’était toujours un sac par transaction. Il ne transportait jamais deux sacs à la fois. Il faut que je le dise, c’était un travailleur acharné. J’ai rarement vu dans ma carrière quelqu’un travailler aussi fort dans le transport de cocaïne. Aucun contact social avec des amis, seulement avec des clients ou des membres actifs de son organisation. Aucune rencontre avec sa famille, même dans le temps des Fêtes », a témoigné le policier.

Les surveillances ont mené les enquêteurs vers d’autres suspects, notamment Keven Berthiaume, Alexandre Daigneault-O’Brien et Maxime Charrette.

11 heures d’auto le même jour

Ils ont constaté que Daigneault-O’Brien partait en voiture dans la région de Toronto, où les policiers ontariens prenaient la relève. Ceux-ci l’ont vu recevoir des sacs des mains d’un individu, Bradley Nelson, où de la drogue et un véritable arsenal ont été découverts.

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Le 27 mars, Bradey Nelson transporte les sacs de cocaïne qu’il remettra à Daigneault-O’Brien et qui seront plus tard saisis dans la voiture de ce dernier.

Le 27 mars dernier, lorsqu’il a été intercepté, Daigneault-O’Brien revenait de Toronto, et les policiers ont trouvé 21 kilogrammes de cocaïne dans son véhicule.

« Les 5 et 8 mars, on a vu O’Brien se rendre à Toronto. On en a conclu que l’organisation privilégiait l’approvisionnement et le transport de petites quantités chaque fois », a déclaré l’enquêteur Couture.

Durant l’enquête, les policiers ont vu l’un des suspects se rendre chez une personne proche du Hells Angels de Montréal David Lefebvre, a dit le témoin.

Celui-ci a aussi raconté que le 13 janvier dernier, Humayun a été impliqué dans une collision avec son véhicule, qu’il en est sorti avec des sacs et qu’il l’a abandonné sur place.

Le 27 mars, un autre des suspects a fait un grand excès de vitesse et son véhicule a été remorqué dans une fourrière. Après avoir obtenu un mandat, les policiers sont entrés subrepticement dans le véhicule remorqué et ont trouvé dans le coffre deux kilogrammes de cocaïne et 14 000 $.

Dur, dur, la prison

« La prison, je ne ferai pas connaître ça à mon pire ennemi. Je me sens comme si j’étais détruit. Je ne dors pas. Je stresse beaucoup. C’est dur », a témoigné Berthiaume, tentant de convaincre le juge Jean-Jacques Gagné de la Cour du Québec de lui accorder sa libération provisoire.

« Le témoignage de l’accusé sur les effets de sa détention n’a que très peu de valeur probante », a réagi le magistrat, qui a conclu que le rôle de Berthiaume n’était pas simplement celui de gardien d’une cache de drogue.

« Son rôle dépasse non seulement significativement celui de menu fretin, mais pourrait se décrire comme l’un des premiers violons du système. Son implication dans ce qu’on peut appeler la boucle transactionnelle est non seulement importante, mais essentielle au fonctionnement de l’organisation démantelée », a dit le juge en ordonnant la détention de l’accusé parce que celui-ci ne s’est pas déchargé de son fardeau sur le 3e critère de remise en liberté voulant que sa libération minerait la confiance du public en l’administration de la Justice.

Pour leur part, Daigneault-O’Brien et Humayun ont renoncé à la tenue de leur enquête sur remise en liberté.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.