Les Oblats de Marie-Immaculée ont déclaré vendredi qu’un prêtre accusé d’avoir agressé sexuellement des enfants inuits au Nunavut est mort des suites d'une longue maladie.

Les Oblats de Marie-Immaculée (« OMI Lacombe Canada ») et les Oblats de la province de France affirment que Joannès Rivoire est décédé jeudi. Il avait 90 ans.

Le révérend Ken Thorson, des OMI Lacombe Canada, a déclaré vendredi dans un courriel que le décès pourrait être difficile à accueillir pour ceux qui ont plaidé pour que le père Rivoire soit traduit en justice au Canada.

« Nous regrettons sincèrement que […] Rivoire ne se soit jamais rendu disponible et ne fera jamais face aux accusations portées contre lui, a écrit le révérend Thorson vendredi. Nous regrettons en outre que les efforts déployés pour qu’il soit officiellement démis de ses fonctions de prêtre aient échoué. »

Un récent rapport indépendant a corroboré les allégations selon lesquelles le prêtre aurait agressé six enfants au Nunavut.

Le père Rivoire est arrivé au Canada en 1959 et il est resté dans le Grand Nord jusqu’en janvier 1993, date à laquelle il a annoncé à ses supérieurs qu’il devait retourner en France pour prendre soin de ses parents âgés. Le même mois, quatre personnes se sont rendues à la Gendarmerie royale du Canada au Nunavut pour accuser Rivoire d’agressions sexuelles.

Un mandat d’arrêt a été lancé en 1998 contre Rivoire pour qu’il revienne au Canada afin de faire face à au moins trois accusations d’agressions sexuelles dans les communautés du Nunavut, à Arviat, Rankin Inlet et Naujaat. Rivoire a refusé de revenir au pays. Plus de deux décennies plus tard, les accusations ont été suspendues.

Un autre mandat d’arrêt a été lancé contre Rivoire en 2022 pour un « attentat à la pudeur » impliquant une jeune Inuite à Arviat et à Whale Cove entre 1974 et 1979. Les autorités françaises ont refusé la demande d’extradition.

Rivoire a nié toutes les allégations et accusations, et aucune n’a été prouvée devant un tribunal.

« Échapper à la justice »

Des dirigeants et politiciens inuits ont passé des années à insister pour que le père Rivoire soit jugé, certains menant leur combat sur la colline du Parlement, au Canada, et à Lyon, en France, où vivait Rivoire.

Piita Irniq, un aîné inuit et ancien homme politique qui s’est battu pendant plus d’une décennie pour le retour de Rivoire au Canada, a déclaré qu’il avait été informé vendredi matin du décès de Rivoire.

« Rivoire a laissé un héritage d’intimidation, de peur et d’horreur à ses victimes. Ses victimes vont maintenant commencer à guérir », avance-t-il.

L’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), un organisme national représentant les Inuits à travers le Canada, a qualifié cette affaire d’échec systémique des États et des institutions religieuses. Natan Obed, le président de l’organisme, a rencontré le pape François en 2022 et lui a demandé d’intervenir dans cette affaire.

Le groupe a déclaré dans un communiqué que les Inuits ont tout fait pour que justice soit rendue, mais qu’en fin de compte, cela n’avait pas été suffisant. « Nos pensées vont aux nombreuses victimes […] et aux nombreuses victimes des agresseurs qui continuent d’échapper à la justice », a ajouté le groupe.

Nunavut Tunngavik Inc (NTI), un groupe qui représente les Inuits du Nunavut, a déclaré dans un communiqué qu’il était décevant que Rivoire n’ait pas eu à répondre aux accusations portées contre lui.

« NTI a soutenu les efforts des victimes et de leurs familles pour obtenir justice et continuera à se tenir à leurs côtés maintenant que Rivoire est décédé, a indiqué le groupe. Les gouvernements doivent faire mieux pour soutenir les victimes d’abus et traduire en justice les auteurs de violences contre les enfants. »

Rivoire a été banni du ministère public après que les Oblats eurent déclaré avoir été informés pour la première fois de poursuites pénales contre lui. Les Oblats du Canada et de France ont exhorté à plusieurs reprises Rivoire à faire face aux accusations, mais il a toujours refusé.

Beaucoup croyaient que les Oblats avaient joué un rôle dans le départ de Rivoire pour la France. Une récente enquête indépendante, menée par André Denis, un juge à la retraite de la Cour supérieure du Québec, n’a trouvé aucune preuve que les autorités de cette congrégation religieuse étaient informées des allégations ou qu’elles avaient aidé le père Rivoire à quitter le Canada.

MDenis a déclaré qu’il était possible que des rumeurs sur le comportement du prêtre soient à l’origine de son départ, mais qu’il n’y avait aucune preuve.

Les Oblats du Canada et de France ont également fait appel aux dirigeants de Rome pour qu’ils entament une procédure de destitution contre Rivoire. Plus tôt cette année, il a été décidé que le prêtre pourrait rester membre de la congrégation.

Les Oblats affirment qu’ils continueront à offrir leur soutien aux plaignants et à leurs familles dans le prochain chapitre de leur processus de guérison.

« Nous souhaitons présenter nos excuses sans équivoque à tous ceux qui ont été blessés par Rivoire, a indiqué M. Thorson. Nos prières vont à la communauté inuite et à tous ceux qui sont encore en train de digérer cette nouvelle. »