Transition énergétique, décarbonation, énergies vertes et renouvelables… des concepts qui occupent une place grandissante dans l’espace public et qui ont fait l’objet d’investissements massifs en 2023. Si le Québec peut, dans une certaine mesure, être perçu comme un exemple, il reste qu’il doit maintenir la cadence pour atteindre ses ambitieux objectifs reliés à la transition. Survol.

C’est considérable : le Québec et le Canada visent la carboneutralité en 2050, alors que leurs besoins en énergie sont monstres. Ainsi, les experts consultés par La Presse sont d’accord pour affirmer une chose : il faudra un effort important – et surtout collectif – pour y arriver.

« Le Québec est un cas particulier, car il est en avance sur les autres juridictions en Amérique du Nord », souligne d’entrée de jeu Mark Purdon, professeur au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

On a déjà fait la transition avec les barrages hydroélectriques dans les années 1970-1980. On est dans une situation unique. Mais le Québec ne peut pas se reposer sur ses lauriers : il doit continuer avec ses exportations et à attirer des industries.

Mark Purdon, professeur au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM

Pour ce faire, plusieurs options s’offrent à la province. L’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (AQPER) travaille principalement sur deux filières : la filière électrique (hydro, éolien, solaire), puis la filière molécules (bioénergies, biomasse, biocarburants).

Son but : développer respectivement 200 térawattheures et 80 térawattheures d’énergie au sein de ces deux filières d’ici 2050, une cible aussi capitale qu’ambitieuse.

« Dans notre mix énergétique, il y a encore 50 % des ressources qui sont d’origine fossile, explique Luis Calzado, président-directeur général de l’AQPER. C’est pour ça qu’on a besoin d’une transition. Il n’y a pas de solution magique, il faut utiliser toutes les filières. »

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Luis Calzado, président-directeur général de l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable

Actuellement, l’AQPER collabore notamment avec Kruger Énergie, Boralex, Waga Énergie, Innoltek et Greenfield Global sur des projets où on se concentre à « développer du renouvelable qui va se connecter au réseau ».

Sur le territoire québécois, plusieurs autres organisations mènent elles aussi le combat de la transition énergétique. C’est notamment le cas de l’Alliance de l’énergie de l’Est, dont deux nouveaux projets totalisant près de 500 mégawatts et 1,5 milliard de dollars en investissements ont été approuvés par Hydro-Québec fin janvier.

C’est en se concentrant sur « l’acceptabilité sociale » et « un maximum de retombées économiques » que l’Alliance parvient à implanter ses projets éoliens ou solaires à travers 209 communautés et territoires, y compris 16 MRC de l’est de la province, rapporte son président Michel Lagacé, en entrevue.

Si on veut favoriser la transition énergétique, qui est obligatoire si on veut laisser autre chose qu’un désastre environnemental pour les générations futures, on n’a pas le droit à l’échec.

Michel Lagacé, président de l’Alliance de l’énergie de l’Est

Des forces et des faiblesses

« Il y a une sensibilité des Québécois pour les enjeux climatiques, ils ont davantage confiance en la science que dans d’autres juridictions d’Amérique du Nord. Et il y a une habitude que l’État doit jouer un rôle dans la gouvernance politique, c’est plus accepté », explique Mark Purdon.

« En revanche, je trouve que le débat public a de la misère à saisir la magnitude des changements à entreprendre », ajoute-t-il.

Il est incertain que la province puisse fournir assez de thermopompes et de véhicules électriques pour atteindre les objectifs de 2030, par exemple. Et des études avancent que le prix du carbone sur le marché, actuellement de 53 $ la tonne, devra grimper à 300 $ la tonne d’ici 2030 – chose pouvant paraître difficilement pensable ou atteignable.

Donc, cet enjeu complexe de transition énergétique, comment devrions-nous le traiter en tant que société ? « Un projet ne se développe pas du jour au lendemain. On a besoin de la collaboration de différentes parties, répond Luis Calzado. Pour nous, l’acceptabilité sociale est essentielle. »

« Il y a des balbutiements, actuellement, de ce qui pourrait être réalisé pour le solaire dans les prochaines années, ajoute Michel Lagacé. Cette énergie vit ce que l’éolien a vécu, il faut maintenant en améliorer la compétitivité. »

Selon Mark Purdon, la transition vers des énergies vertes et renouvelables pourra se faire à condition de miser sur la construction de villes de manière plus dense pour éviter la voiture, sur des coalitions entre le secteur privé et la société civile, mais également sur la coopération à l’échelle internationale.

Des systèmes de cette nature sont déjà en place au Brésil, en Inde, en Chine ou en Indonésie. Le Québec, dans cet esprit, peut quant à lui continuer à explorer les occasions de partenariats avec la Californie ou l’État de Washington pour son marché du carbone.

« Il y a une tendance de nationalisme économique qui se remarque dans le monde. Si on continue sur cette piste, tout le monde va voir que c’est trop difficile de faire ça complètement tout seul chez nous », conclut-il.