Les entreprises cherchent de plus en plus à automatiser certaines opérations. Où en est l’industrie de l’extraction minière ? Entrevue avec Michel Gamache, professeur au département de mathématiques et de génie industriel de Polytechnique Montréal, qui travaille avec l’industrie minière dans l’optimisation de la production.

Est-ce que l’industrie de l’extraction minière est avancée dans le domaine de l’automatisation, ou elle traîne de la patte ?

C’est certain que si on se compare avec l’Australie, où il y a énormément de camions autonomes dans les mines à ciel ouvert, on n’est pas si avancés. Puis, dans les mines souterraines, nous avions l’enjeu du système de communication qui empêchait d’aller de l’avant. Mais, en 2017, le réseau cellulaire LTE 4G est entré en fonction dans la mine LaRonde d’Agnico Eagle, en Abitibi. C’était une première dans l’industrie minière canadienne et ensuite, les autres entreprises ont suivi. Puisque l’arrivée de ce réseau a permis d’avoir des données en temps réel et la géolocalisation sur les équipements, une grande évolution s’est produite.

De quoi parle-t-on exactement comme technologies ?

Les entreprises d’extraction minière introduisent de plus en plus, mais de façon prudente, des camions autonomes qui transportent le minerai. C’est encore nouveau, alors pour le moment, elles les font fonctionner dans des espaces isolés des travailleurs. Si jamais le véhicule entre dans une zone de la mine où il n’est pas autorisé, il s’arrête automatiquement. D’autres minières vont faire fonctionner ces véhicules dans des moments où il n’y a pas de travailleurs, comme les fins de semaine.

Les technologies sont très avancées, mais il faut prendre le temps de bien les intégrer. D’ailleurs, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) est en train d’établir les bonnes pratiques à mettre en place pour une utilisation et une maintenance sécuritaire des véhicules autonomes dans les mines. L’avantage, c’est que les camions autonomes peuvent travailler tout de suite après un dynamitage dans la mine, alors que pour faire entrer des travailleurs, il faut attendre environ une heure et demie, le temps que les gaz s’échappent.

Quels sont les défis à relever pour aller plus loin en automatisation ?

C’est certain que la sécurité est une grande préoccupation, mais comme je disais, on y travaille. Aussi, comme c’est le cas dans les autres secteurs d’activité, beaucoup de données sont maintenant récoltées en temps réel par différents équipements. Les entreprises sont en train de travailler à mieux les gérer pour pouvoir mieux les valoriser. Elles avancent assez vite. C’est le nerf de la guerre pour optimiser les opérations.

Vous venez d’obtenir 381 000 $ du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT) pour un projet de jumeau numérique. Pouvez-vous en parler un peu ?

C’est encore embryonnaire. Un jumeau numérique, c’est une mine numérique qui réplique exactement ce qui se passe en temps réel dans la vraie mine. C’est utile pour tester des scénarios. Par exemple, si un véhicule a un bris mécanique dans la galerie et bloque la production, on pourra simuler différents scénarios avec le jumeau numérique en sachant où sont les autres équipements. Ce projet se réalise en collaboration avec Agnico Eagle, mais nous n’avons pas encore décidé dans quel site il se déroulera. La gestion des véhicules dans les mines, qu’ils soient autonomes ou non, est importante. Ils circulent dans la galerie qui a généralement une seule voie. Souvent, deux véhicules arrivent face à face, donc un doit reculer pour laisser l’autre passer. Si on peut arriver à réaliser une meilleure coordination, on gagnera en productivité.