Les entreprises minières actives au Québec ont la chance, à moins d’avoir un site dans une région non couverte par Hydro-Québec, d’avoir accès à l’hydroélectricité. Si c’est très bon pour leur bilan carbone, cela fait aussi en sorte qu’elles doivent être plus créatives pour continuer de réduire leurs émissions en vue d’atteindre la carboneutralité.

Les résidus miniers entreposés sur les sites ont rarement bonne presse. Mais s’ils servaient à séquestrer le carbone ? En fait, c’est un phénomène naturel qui se produit avec certains types de matériaux géologiques, comme ceux qu’on trouve dans les mines de nickel, qui est d’ailleurs central dans la production de batteries pour les voitures électriques. Comment cela se produit-il ?

Les entreprises minières entreposent leurs débris miniers sur leur terrain. À cela se mélange de l’eau qui provient du procédé, de la pluie et de la fonte de la neige.

« Le CO2 dans l’air se dissout dans l’eau », explique Benoît Plante, professeur et titulaire de la Chaire de recherche institutionnelle en géochimie environnementale des ressources minérales critiques et stratégiques de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Dans certains types de géologie, des minéraux sont susceptibles de mettre du magnésium dans l’eau.

« Lorsque ce magnésium rencontre le CO2 dissout dans l’eau, il se forme du carbonate de magnésium, une roche très stable, et c’est ce phénomène qui permet de retirer du CO2 de l’atmosphère », explique le chercheur qui a travaillé notamment avec Dumont Nickel, en Abitibi, pour étudier le potentiel de séquestration du carbone de leur mine.

Si cette réaction est naturelle, il est possible de l’optimiser. « Il faut un peu d’air et un peu d’eau : s’il y a trop d’eau, le CO2 se rendra difficilement en profondeur dans les piles de rejet et la séquestration restera en surface, explique Benoît Plante. S’il n’y a pas assez d’eau, il sera difficile de produire la réaction parce qu’elle se produit dans l’eau. »

Ce genre d’effort à lui seul ne fera pas en sorte qu’une mine sera verte. « Mais ça peut donner un coup de pouce, par exemple pour compenser une partie des émissions de gaz à effet de serre [GES] afin de devenir carboneutre », ajoute-t-il.

Plus on est propre, plus c’est difficile de s’améliorer

La recherche sur la séquestration du carbone illustre à quel point les entreprises minières doivent être créatives pour devenir carboneutres.

Lorsque nos émissions de GES sont déjà basses et que nous voulons les réduire encore plus, les actions qu’on peut mettre en place ont souvent un impact limité, sont souvent plus chères ou sont plus complexes.

Mohammed Ali, vice-président, développement durable et affaires réglementaires, chez Agnico Eagle

Goldex, une mine d’or à Val-d’Or exploitée par Agnico Eagle, en est un bon exemple.

0,11

C’est l’intensité des émissions de gaz à effet de serre de la mine Goldex, en 2023, par tonne d’équivalent de CO2 par once d’or produite. En comparaison, la totalité des mines d’Agnico Eagle est à 0,38. Et la moyenne de l’industrie ? Selon S&P Global Market Intelligence, elle était de 0,83 en 2022.

Source : Agnico Eagle

À quoi cet écart est-il dû ? D’abord, pour broyer le minerai, Goldex utilise l’hydroélectricité. Puis, Agnico Eagle a agi sur ce qui émet généralement le plus de GES dans une mine d’or : ce qu’on utilise pour déplacer le minerai.

« Traditionnellement, on utilise du diesel, mais depuis 2017, nous avons un système de transport automatisé électrique souterrain », affirme Mohammed Ali, vice-président, développement durable et affaires réglementaires, chez Agnico Eagle.

Agnico Eagle, qui s’est engagée à être carboneutre en 2050, estime que cet investissement a permis de réduire les émissions de GES de Goldex d’environ 7900 tonnes d’équivalent de CO2 par année.

L’entreprise regarde maintenant si elle peut adopter une stratégie semblable pour déplacer le minerai en surface. « Mais c’est plus compliqué, affirme Mohammed Ali. Et il faudrait que ce qu’on développe puisse être transféré dans une autre mine lorsque nous aurons terminé l’exploitation de Goldex [vers 2031]. »

L’avantage concurrentiel du Québec

Il y a un mouvement général des entreprises d’extraction minière pour réduire leurs émissions de GES. « À moins d’être en territoire éloigné sans accès à l’hydroélectricité, ces entreprises n’émettent pas énormément de GES, mais elles font tout de même leur part pour être plus efficientes et tentent d’éliminer leur consommation d’énergie fossile », remarque Josée Méthot, présidente-directrice générale de l’Association minière du Québec.

À ses yeux, le Québec se démarque grandement à ce chapitre.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Josée Méthot, présidente-directrice générale de l’Association minière du Québec

L’avantage au Québec, c’est que les projets d’extraction minière ont généralement une moins grande empreinte carbone qu’ailleurs. C’est important alors que nous avons besoin de beaucoup de minéraux, notamment pour produire les batteries essentielles à la transition énergétique.

Josée Méthot, présidente-directrice générale de l’Association minière du Québec

Or, l’acceptabilité sociale de plusieurs projets miniers au Québec est un grand défi. Par exemple, des mines de graphite dans le sud du Québec rencontrent de la résistance de la part de citoyens.

« Mais je pense qu’une meilleure compréhension des pratiques environnementales et sociales des entreprises minières du Québec favorisera l’acceptabilité sociale, affirme Josée Méthot. Les projets québécois font une différence au niveau des impacts ici et ailleurs. »