Archaïque pour certains, perfectible pour d’autres, la Loi sur les mines ne fait pas l’unanimité. En octobre 2023, la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, annonçait d’ailleurs une réforme prévue pour ce printemps. Reste à voir si elle corrigera ses failles en totalité ou en partie.

La coalition Pour que le Québec ait meilleure mine critique la préséance accordée à l’industrie minière sur divers volets d’acceptabilité sociale. « Cela découle de la première version de la loi élaborée bien avant le début de la Confédération canadienne, explique son porte-parole Rodrigue Turgeon. On fait passer les besoins de l’industrie avant ceux des populations et de l’environnement. »

L’organisation souhaite que la société québécoise réfléchisse à la place accordée à l’industrie minière au cours des prochaines décennies. « Il faut que ce soit dans une optique de sobriété et de réduction de notre surconsommation de métaux, affirme-t-il. La loi doit refléter ce nécessaire changement de paradigme. »

Pistes de solution

Parlons d’abord d’implication citoyenne. « Puisque la loi actuelle favorise la prise de permis sans que les communautés locales soient concernées, cela crée des frustrations et un déficit d’information dans le grand public », soutient Michel Jébrak, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Michel Jébrak

La coalition suggère qu’on exige le consentement des populations avant l’octroi des droits miniers. « Depuis les années 1850, le développement minier se fait dans une approche où on n’informe pas les gens sur le territoire, dit le porte-parole. Et quand on consulte les gens, on le fait de manière factice après avoir donné les droits aux compagnies. Il faut que les populations puissent dire si, oui ou non, elles veulent la présence de l’industrie minière dès l’exploration. »

À partir du moment où ça devient une décision démocratique, il faut que les municipalités et les communautés autochtones disposent des outils techniques pour prendre des décisions qui ne sont pas seulement basées sur leur représentation des mines.

Michel Jébrak

La coalition souhaite également la fin de la préséance des droits miniers sur la protection de l’eau, de l’environnement, des aires à protéger et des populations. « Cela découle d’une conception historique voulant qu’une mine soit la meilleure utilisation d’un territoire qu’on puisse faire, dit Rodrigue Turgeon. Il faut renverser ça. »

Cela implique aussi l’ajout d’un mécanisme de retrait des permis (claims) incompatible avec les réalités locales. À l’heure actuelle, plus de 350 000 claims miniers ont été accordés au Québec, soit 10 % de la surface de la province. « On estime que de nombreux claims n’auraient jamais dû être donnés », dit M. Turgeon.

Le professeur nuance la situation en rappelant qu’environ 1 claim sur 10 000 va donner une mine. « C’est un billet de loto », affirme M. Jébrak.

N’empêche, les claims sont difficiles à retirer, car seule la ministre Blanchette Vézina a le pouvoir de le faire. « Le problème, c’est qu’elle a dit en commission parlementaire qu’elle n’a pas l’intention d’en retirer, en invoquant le fait qu’on est dans une société de droits et qu’une fois qu’on donne des droits à l’industrie, c’est trop tard », dit Rodrigue Turgeon.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Maïté Blanchette Vézina, ministre des Ressources naturelles et des Forêts

Autorégulation

Autre point de litige : l’autorégulation de l’industrie. En effet, dès le stade de l’exploration, les entreprises minières doivent se dénoncer elles-mêmes.

Il y a une infraction tous les quatre jours en moyenne depuis dix ans, selon les données fournies par l’industrie.. Et le Ministère impose des sanctions seulement une fois sur dix. On est dans un régime de complaisance.

Rodrigue Turgeon, porte-parole de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine

Pourtant, l’industrie québécoise se vante d’avoir les meilleures normes au monde. « C’est faux, dit le professeur Michel Jébrak. La réglementation est pas mal, mais on n’a pas une pratique de contrôle extrêmement forte. »

« Ça prend plus de surveillance et d’inspection par l’État ou par des entités indépendantes qui peuvent dénoncer les infractions environnementales et sévir au besoin », ajoute Rodrigue Turgeon.

Parmi les autres souhaits, on note un meilleur système de redevances, l’obligation de restaurer les mines abandonnées d’ici dix ans et de retourner les déchets miniers dans les fosses. « On a tout intérêt à ne pas laisser de gros dégâts, mais ça coûte cher, rappelle Michel Jébrak. On ne pourra pas mettre tout ce qu’on souhaite dans une loi du jour au lendemain, sinon, on va observer un désinvestissement de l’industrie minière. »

Où en est le projet de réforme ? Le cabinet de la ministre répond qu’elle « travaille bel et bien sur un projet de loi pour moderniser la Loi sur les mines. Les annonces seront faites en temps et lieu. »