Un peu partout au Québec, des chercheurs se penchent sur l’actuelle transition énergétique. Entretien avec René Audet, titulaire de la Chaire de recherche sur la transition écologique et professeur au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Vous étudiez la sociologie de l’environnement, le discours environnemental et la transition écologique. Pourriez-vous nous parler de vos recherches ?

Dans le discours du Québec, on va toujours trouver des contradictions. Dans l’histoire, il y a eu une émergence du discours sur la conservation : une préservation très stricte, ceux qui voulaient gérer de manière rationnelle les ressources. Puis, dans les années 1960-1970, où il y a eu institutionnalisation de la question environnementale, la discussion est devenue plus politique. Certains disent que le productivisme est responsable, d’autres voient les institutions comme la solution..., ce qui a mené à la création du ministère de l’Environnement et du BAPE [Bureau d’audiences publiques sur l’environnement]. L’analyse du discours, dans l’ensemble, permet de montrer les tensions dans la manière de comprendre l’environnement en tant que société.

Pour la transition, quel serait un chemin réaliste à emprunter ?

La question est hypercomplexe. Les objectifs utilisés varient. L’Accord de Paris met surtout l’accent sur le CO2, donc on met en place des politiques publiques. On a créé par exemple le marché du carbone. Là, on se lance dans la filière batterie par souci de compétitivité. Cette idée d’économie verte, d’attirer les industries, c’est très présent chez nous. Des fois, on a un croisement entre ça et la volonté de croissance. Mais on est encore dans un paradigme qui ne remet pas en question le productivisme, ce qui peut être inquiétant.

Vous considérez que les villes tiennent un rôle dans cette mouvance. Pourquoi ?

Il y a un mouvement qu’on voit naître à Montréal. C’est passé d’une série de petits projets locaux comme le verdissement des quartiers, le partage d’objets et de voitures, et c’est maintenant en train de se constituer avec des associations plus grandes : monde municipal, syndicats... Tout ce monde-là est en train de réfléchir sur les quartiers, sur les transports. On peut notamment parler de l’alliance Transition en commun, qui a une vision différente axée sur des objectifs de justice sociale. Le mouvement n’est pas très marginal, il est en train de se constituer, et la Ville de Montréal participe.

Qu’aimeriez-vous que le grand public comprenne sur la transition écologique ?

C’est une question très grave, du jamais-vu pour l’humanité, mais l’environnement n’est qu’une partie du problème. C’est peut-être néfaste d’isoler la question du climat des autres. Et autrement, ce qu’on va réussir dans les pays riches, comment on va le faire dans les pays pauvres ? Ça fait aussi partie de notre avenir.

Qu’espérez-vous voir dans un avenir relativement rapproché ?

J’aimerais une grande discussion à l’échelle nationale au Québec. On a besoin d’organiser une conversation, il faut arrêter de prendre des décisions structurantes pour l’avenir de la société sans consulter la population. Je trouve qu’on est dans un moment charnière de l’histoire : le gouvernement voit la croissance et le confort matériel, mais le confort matériel contribue à la crise et se fait au détriment d’autres populations. Ça prendrait quelque chose d’historique, sur une ou deux années. Mais pour ça, ça prend un leader qui va utiliser de son capital politique.