Un petit volume. C’est ce que vendait le fabricant de vêtements Attraction il y a une quinzaine d’années avec sa marque Ethica produite localement avec du coton biologique et du polyester recyclé. Peu de clients dans ses deux marchés, le récréotouristique et le promotionnel, étaient prêts à payer plus cher pour des vêtements fabriqués selon des valeurs de développement durable. Aujourd’hui, c’est ce qui permet à Attraction de se distinguer et de croître.

« Il n’y a pas une semaine qui passe sans que j’aie à envoyer le lien de notre rapport annuel de développement durable : mes clients, qui sont des distributeurs, nous le demandent parce qu’ils veulent s’assurer que nous avons des chiffres qui prouvent nos initiatives durables », explique Sébastien Jacques, vice-président, développement des affaires, chez Attraction.

Le marché promotionnel a été le premier à prendre le virage. « Les entreprises petites et grandes qui achètent nos vêtements à nos distributeurs font des cadeaux à leurs clients et employés, explique Sébastien Jacques. Elles veulent donc un produit accessible, c’est certain, mais aussi, un produit de qualité, durable et fabriqué ici. Elles se reconnaissent dans ces valeurs et veulent les mettre de l’avant. C’est pourquoi la croissance de nos ventes n’arrête pas dans ce marché. »

Il voit aussi depuis quelques années que le marché récréotouristique emboîte le pas.

Un touriste chinois ne veut pas ramener chez lui un t-shirt Made in China, il veut un t-shirt fièrement fait au Canada. Les gens recherchent un souvenir cohérent avec l’expérience qu’ils ont vécue. Le marché est en train de basculer.

Sébastien Jacques, vice-président, développement des affaires, chez Attraction

Pendant la pandémie, l’entreprise de 160 employés a aussi fait le plein de clients qui ont eu des problèmes d’approvisionnement en Asie. Attraction, établie à Lac-Drolet, en Estrie, a même dû ouvrir un deuxième atelier de confection à Montréal pour soutenir sa croissance. « Notre volume de production a augmenté, ce qui nous a permis de réduire l’écart de prix entre nos produits fabriqués localement et ceux fabriqués en Asie », se réjouit Sébastien Jacques.

Les PME appelées à jouer leur rôle

Pour la première fois cette année, Attraction participe au concours Les Mercuriades de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). L’entreprise est finaliste dans la catégorie Développement durable – PME.

« Je crois que ce qui a fait ressortir notre candidature, c’est que, depuis 2022, Attraction est carboneutre, alors que le domaine du textile n’a généralement pas une bonne réputation en ce qui a trait à l’environnement en raison de tout le gaspillage lié au fast fashion, affirme Sébastien Jacques. Quotidiennement, nous pensons à notre efficacité énergétique, nous comptabilisons nos émissions de gaz à effet de serre et nous les compensons. »

Selon Charles Milliard, président-directeur général de la FCCQ, Les Mercuriades, créés en 1981, ont suivi l’évolution du milieu des affaires québécois. Ainsi, s’il y a une catégorie développement durable depuis une douzaine d’années, les autres catégories tiennent aussi compte des aspects sociaux, environnementaux et de gouvernance. « Par exemple, oui, la productivité est importante, mais aujourd’hui, elle doit être réalisée dans une perspective durable, explique Charles Milliard. C’est la même chose pour le développement économique régional : les ressources doivent être utilisées dans une perspective durable. »

Si les grandes entreprises ont des politiques de responsabilité sociale depuis longtemps, les PME sont aussi appelées à prendre le virage maintenant.

Pour une nouvelle génération d’entrepreneurs, cela fait partie de leurs valeurs et aussi, les grandes entreprises ont commencé depuis une dizaine d’années à imposer à leurs fournisseurs certains critères de production responsables.

Corinne Gendron, professeure au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM)

En même temps, les organismes de soutien aux entreprises, comme les chambres de commerce, organisent de plus en plus d’évènements sur le thème de la responsabilité sociale. Le financement disponible pour les PME comprend aussi maintenant de plus en plus de critères de durabilité.

« Développement économique Canada a même formé un groupe de travail pour voir comment les subventions pourraient mieux refléter les questions environnementales et sociales, ajoute Corinne Gendron. Actuellement, il y a vraiment une prise de conscience de l’importance de l’engagement des PME dans le virage de l’économie du Québec vers le développement durable. Et ça tombe bien, parce que les PME veulent agir. »