Face à la concurrence des ports américains et au défi de la transition énergétique, le Saint-Laurent peut s’appuyer sur les entreprises qui bordent ses rives. De l’optimisation énergétique au partage des données, le Québec dispose de plusieurs atouts pour positionner son fleuve comme porte d’entrée continentale.

Filiale du Groupe Océan, Techsol Marine est spécialisée dans la réalisation de systèmes électriques à bord des navires. L’entreprise établie à Québec développe une offre visant la diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES) à bord des navires.

L’entreprise de 85 employés a mis au point un système de stockage d’énergie, qui récupère l’électricité produite par les génératrices du bateau quand elles fonctionnent à leur puissance optimale, pour l’utiliser plus tard.

PHOTO FOURNIE PAR TECHSOL MARINE

Les systèmes électriques de Techsol Marine visent à optimiser l’utilisation de l’énergie à bord.

Techsol Marine propose aussi l’installation de réseaux de distribution électrique en courant continu à bord des bateaux afin de réduire les pertes électriques. Ces réseaux permettent de brancher plusieurs sources de courant tels que des panneaux solaires et des piles à combustible.

Quand on construit un bateau, c’est pour des décennies. Il faut préparer le futur dès maintenant.

François Lessard, président et chef de la direction de Techsol Marine

Enfin, l’entreprise de Québec est capable de déployer un système de surveillance à distance en temps réel. « Sur un bateau, de nombreux capteurs mesurent les paramètres de navigation. Mais les informations demeurent souvent sur un registre. Nous avons mis en place un système qui les transmet en temps réel, ce qui permet d’intervenir si la route ou la vitesse ne sont pas optimales, explique François Lessard. Cela aide à réduire la consommation de fioul, car une vitesse supérieure de deux nœuds peut faire consommer beaucoup de carburant. »

Son positionnement au cœur du corridor du Saint-Laurent facilite les activités de l’entreprise. « Nous sommes près de Chantier Davie, le plus grand chantier naval au Canada », précise François Lessard, qui souligne l’intérêt du programme de retombées canadiennes pour son entreprise.

Se connecter aux chaînes d’approvisionnement

C’est aussi à quai que l’électrification doit être déployée. « Les ports américains bénéficient d’investissements massifs dans les infrastructures pour être plus performants et plus décarbonés », constate Mathieu St-Pierre, PDG de la Société de développement économique (SDE) du Saint-Laurent, qui souligne l’intérêt de décarboner une infrastructure portuaire, car « un port est le seul endroit qui regroupe les modes de transport routier, ferroviaire et maritime. C’est facilitant pour la transition énergétique ».

PHOTO PAUL DIONNE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Mathieu St-Pierre, PDG de la Société de développement économique (SDE) du Saint-Laurent

Pour faire face à la concurrence, la connexion aux chaînes d’approvisionnement peut être optimisée grâce au partage de données numériques. « Nous avons entamé une démarche concertée sur le partage des données entre les différentes organisations maritimes, explique Mathieu St-Pierre. Cette collaboration vise à s’appuyer sur des outils tels que l’intelligence artificielle pour prendre de meilleures décisions afin de diminuer les gaz à effet de serre émis par le secteur maritime, réduire les risques de collision avec les mammifères marins, consommer moins de carburant tout en utilisant les meilleures routes commerciales… »

Cette connexion avec les chaînes d’approvisionnement est primordiale pour le transport maritime québécois.

Le corridor du Saint-Laurent a l’occasion de desservir l’immense marché intérieur que sont l’Ontario et le Midwest. Les ports américains veulent capter ce trafic. La concurrence est féroce.

Brian Slack, professeur au département de géographie de l’Université Concordia

Selon Brian Slack, l’amélioration de la compétitivité du corridor du Saint-Laurent passe par la garantie d’un service fiable pour utiliser le port de Montréal, à savoir une profondeur d’eau suffisante tout le long du fleuve et la disponibilité de la main-d’œuvre.

Bien que le niveau d’eau ait été au-dessus de la normale au cours des dernières années, les changements climatiques pourraient dégrader la situation dans l’avenir, prévient Brian Slack, qui s’inquiète aussi des grèves dans le port de la métropole. « C’est une catastrophe pour Montréal. La réputation du port est en jeu. Les gens qui envoient des marchandises veulent des livraisons juste à temps », explique le professeur, qui craint que des clients regardent davantage du côté d’Halifax.

C’est dans l’offre de services que le corridor du Saint-Laurent peut se démarquer, comme cela se fait au port de Montréal avec la mise en conteneurs du blé. « Vancouver le fait aussi, mais pas Halifax », pointe Brian Slack, qui croit que de telles initiatives peuvent convaincre les armateurs et les clients.