Ils ont été formés au Québec dans des écoles de génie dont la réputation déborde nos frontières. Ils sont membres de l’Ordre des ingénieurs du Québec, dont les exigences sont élevées. Ils ont pris de l’expérience au Québec et exportent maintenant leur savoir-faire.

« Qu’on soit au Canada ou au Viêtnam, l’ingénierie, c’est la même chose. On fait des calculs. Mais la gestion de projet, c’est complètement différent. » C’est ce que raconte Thien San Ho Tong, directeur du service de gestion de la construction chez Colliers, une entreprise immobilière canadienne active dans plusieurs pays, notamment au Viêtnam.

C’est que le pays se développe à la vitesse grand V. « Un projet qui prend deux ans au Canada prendra huit mois au Viêtnam, explique-t-il. Au Canada, c’est la qualité qui est importante et cela vient avec de nombreuses procédures à suivre. Au Viêtnam, l’important, c’est d’être productif et de faire de l’argent. »

PHOTO FOURNIE PAR THIEN SAN HO TONG

Thien San Ho Tong, directeur du service de gestion de la construction chez Colliers

Comme Canadien, il n’a pu s’empêcher de mettre en place des processus. « Cela a été bon pour le développement d’affaires de Colliers au Viêtnam, parce qu’être mieux structuré met les gens en confiance. »

Au Canada, nous sommes bons aussi pour nous présenter, pour expliquer notre vision d’un projet et la façon dont nous allons procéder, alors cette force nous permet aussi de mieux nous distinguer.

Thien San Ho Tong, directeur du service de gestion de la construction chez Colliers

Thien San Ho Tong est originaire du Viêtnam, mais il a visité le pays pour la première fois seulement après avoir terminé ses études en génie de la construction à l’École de technologie supérieure (ETS). Il est tombé amoureux de l’endroit et il a voulu y travailler. Mais sans expérience, il n’est pas arrivé à s’y trouver un emploi. Il a finalement travaillé six ans au Québec avant d’accepter un mandat comme volontaire au Viêtnam pour construire une école dans une région éloignée avec une organisation non gouvernementale. C’était en 2019 et il n’est jamais revenu au Québec – à part pour fêter Noël en famille !

Une soixantaine de pays

Thien San Ho Tong fait partie des 1 % des membres de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) dont l’adresse professionnelle est à l’étranger – soit environ 600 membres sur 60 000. « Un peu plus de la moitié est aux États-Unis, les autres sont dispersés dans une soixantaine de pays, indique Sophie Larivière-Mantha, présidente de l’OIQ. En génie, il faut innover, créer de la valeur, répondre aux besoins de la société : c’est universel. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Sophie Larivière-Mantha, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec

S’il y a des ingénieures et des ingénieurs de différentes spécialités à l’étranger, ils sont particulièrement représentés, toutes proportions gardées, dans les mines. « Les ingénieurs miniers représentent 3 % de nos membres, mais 8 % de ceux à l’étranger, où il y a plusieurs sites », indique Sophie Larivière-Mantha.

Les membres ayant de 11 à 15 ans d’expérience sont les plus nombreux à s’expatrier, même s’il y en a aussi des moins et des plus expérimentés.

Des expériences riches

Les défis offerts à l’étranger sont la principale raison pour laquelle les ingénieurs québécois plient bagage. Mais Louis Beauchemin était plutôt motivé par une envie de voyager. « C’était une décision de famille, se souvient-il. Ma femme et moi voulions vivre cette expérience avec nos garçons qui avaient 12 et 8 ans. Puis, je voulais avoir ce plus pour ma carrière. »

Diplômé de Polytechnique en génie civil et spécialiste du béton et du granulat, il travaillait chez Lafarge au Québec lorsqu’il a pu être muté en 1997 à Varsovie, en Pologne. « J’aurais aimé aller à Paris, mais dans les années suivant la chute du mur de Berlin, les besoins étaient vraiment en Europe centrale. »

Ça prend trois éléments pour te faire transférer : il faut que tu aies une expertise, il faut qu’on ait moins besoin de toi au Québec ou qu’on ait trouvé ton remplaçant, puis il faut qu’on ait besoin de toi là où on t’envoie.

Louis Beauchemin, diplômé de Polytechnique en génie civil et spécialiste du béton et du granulat

Il pensait être à l’étranger pour trois ans, mais il a prolongé l’expérience. Louis Beauchemin et sa famille y sont finalement restés 20 ans et ont habité dans six pays en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud. Il était d’ailleurs au Venezuela en 2008 lorsque Hugo Chavez a nationalisé les cimenteries : il a dû négocier !

« J’ai visité énormément de pays, j’ai eu énormément de promotions, j’ai été exposé à des situations que je n’aurais pas pu voir autrement, les enfants ont vécu des expériences très enrichissantes, ils sont trilingues et ma femme ne voulait même plus revenir », indique celui qui s’est réinstallé au Québec en 2016 et qui est maintenant directeur général de l’OIQ.

Avec le recul, il réalise que s’il a su mettre son expertise au service de plusieurs pays, il a aussi beaucoup appris. « C’est important d’écouter lorsqu’on est à l’étranger, affirme-t-il. Il faut être ouvert à apprendre des choses. Chaque endroit a ses défis, ses réalités, et les gens sur place ont des compétences. En travaillant ensemble, on arrive à faire de meilleurs projets. »