Le développement de l’avion vert ouvre de larges perspectives à la main-d’œuvre, particulièrement au Québec, par la polyvalence et l’agilité dont font preuve son industrie et ses établissements de formation. Les besoins en personnel – chercheurs, spécialistes ou néophytes – seront considérables dans la décennie qui s’ouvre. Portrait.

D’ici 10 ans, le secteur aérospatial québécois devra pourvoir 34 073 postes, selon le dernier recensement du Comité sectoriel de main-d’œuvre en aérospatiale (CAMAQ). C’est presque autant que les quelque 36 000 employés que compte cette industrie actuellement. Et il ne s’agit pas de remplacements poste pour poste : les futures recrues seront de plain-pied dans la mise en œuvre de la transition environnementale de l’industrie aérospatiale.

Pour l’heure, l’avion vert n’est pas encore une réalité industrielle. C’est du côté des chercheurs qu’on peut cependant avoir un bon aperçu des métiers pourvus par cette transition. Quantitativement, le constat est clair.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Vincent Grenon, professeur en maintenance d’aéronefs à l’École nationale d’aérotechnique (ENA) et chercheur en développement et intégration des systèmes aéronautiques au Centre technologique en aérospatiale (CTA)

L’avion vert se dessine maintenant : nous en sommes à la phase de recherche et développement. Mais nous manquons de chercheurs.

Vincent Grenon, professeur en maintenance d’aéronefs à l’École nationale d’aérotechnique (ENA) et chercheur en développement et intégration des systèmes aéronautiques au Centre technologique en aérospatiale (CTA)

Multiples défis

La période actuelle est pleine de défis passionnants pour les chercheurs québécois. C’est maintenant que se décide comment les avions voleront dans le ciel en émettant le moins possible de gaz à effet de serre, poursuit Vincent Grenon. Et puisque les solutions de demain ne sont pas encore trouvées, il n’y a pas de profil idéal, ce qui est une réalité déjà ancrée dans ce secteur toujours en mouvement, où « chaque personne se crée ses propres opportunités », illustre-t-il.

« À mes débuts, je n’aurais jamais imaginé tout ce que j’allais faire dans ma carrière », dit en souriant Vincent Grenon. Diplômé de l’ENA il y a 25 ans, celui qui était alors technicien en entretien d’aéronefs est devenu directeur de maintenance en moins de 10 ans, avant d’enseigner à l’ENA. Désormais chercheur, il travaille sur des sujets à la pointe de l’industrie, comme ce projet récent avec l’entreprise montréalaise RE-AK qui utilise l’intelligence artificielle pour mesurer les émotions et la concentration des pilotes. « Nous avons pu mesurer l’intérêt d’incorporer cette technologie dans la formation des pilotes », souligne Vincent Grenon.

Lorsque les chercheurs auront dessiné l’avion vert, viendra l’étape industrielle. Alors, c’est l’ensemble de l’industrie aérospatiale québécoise qui devra en saisir les occasions. Ce défi n’inquiète pas Suzanne Benoit, PDG d’Aéro Montréal. « Les forces de l’aérospatiale québécoise sont sa polyvalence et son agilité », souligne celle qui assure que les 20 prochaines années seront déterminantes pour la grappe aérospatiale.

Les nouvelles techniques de propulsion, les carburants verts et l’aérodynamique mobiliseront un grand nombre de spécialistes, alors qu’on ne connaît pas encore les compétences qui seront requises. Une fois les révolutions technologiques décidées, il faudra des bras pour construire les aéronefs verts. Tous les métiers déjà en pénurie aujourd’hui seront encore plus nécessaires pour renouveler les flottes d’avions, pointe Suzanne Benoit, qui cite les machinistes, les agents de qualité, les ébénistes, les spécialistes de la finition intérieure, les peintres industriels, les assembleurs sur les chaînes de production...

L’adaptabilité et le maillage

Le point commun de ces futurs travailleurs est que leur profil technologique sera encore plus avancé qu’aujourd’hui. Pour cela, l’adaptabilité et le maillage serré de l’aérospatiale québécoise seront une force. « Nos écoles proposent déjà des formations d’appoint, relève Suzanne Benoit. Les établissements de formation se rapprocheront encore pour faciliter l’enrichissement des parcours. »

Les formations devront aussi intégrer les technologies nécessaires aux avions verts. « Ce sera difficile : les employés devront acquérir des compétences venant d’autres secteurs connexes », affirme la PDG d’Aéro Montréal.

Là encore, le Québec peut mettre de l’avant sa polyvalence, au-delà du secteur aérospatial.

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Suzanne Benoit, PDG d’Aéro Montréal

La transition énergétique est dans l’ADN du Québec. Nous avons des experts en électricité, en hydroélectricité, en hydrogène et dans toutes les formes d’énergie.

Suzanne Benoit, PDG d’Aéro Montréal

Les entreprises aérospatiales entendent bien compter sur cet atout pour se tailler une bonne place parmi la chaîne d’approvisionnement du futur avion à faible émission de carbone.