Abipa International vient d’engranger de nouveaux contrats auprès d’Airbus, dans la continuité d’une décennie de croissance considérable. L’entreprise de Boisbriand doit à présent trouver les cerveaux capables de faire preuve d’intelligence technologique, environnementale et d’affaires, pour relever le défi de la transition vers l’avion vert.

La scène se passe il y a une dizaine d’années, alors qu’Abipa inaugure sa première cellule robotique dans son usine de Laval. « Un employé m’a interpellé en me demandant ce qui allait lui arriver si on commençait à utiliser des robots pour la production », raconte Jean Blondin, président de l’entreprise. « Je lui ai répondu : si on ne prend pas cette direction, un jour on n’aura plus d’emploi, ni toi ni moi. Ton rôle va évoluer. On va te former. Dix ans plus tard, il travaille toujours chez nous. On a trois cellules de vingt machines dans l’atelier. »

Aujourd’hui implantée à Boisbriand, l’usine d’Abipa vit au rythme de l’industrie 4.0.

Avec la robotisation, les machinistes ne font plus d’intervention directement sur les équipements. Leur rôle consiste désormais à gérer les cellules automatisées qui usinent les pièces métalliques qui composent le moteur, le train d’atterrissage et des éléments du cockpit comme de la cabine.

Abipa a aussi pris du volume en faisant l’acquisition de l’industriel français ARM. Aujourd’hui, le groupe Abipa International compte 450 employés répartis dans 6 usines au Québec, en France et au Maroc, avec des revenus annuels de plus de 100 millions de dollars. L’entreprise a triplé de taille en une décennie, en développant sa production livrée à de grands acteurs de l’aérospatiale tels que Pratt & Whitney, Safran, Bombardier et Airbus.

Penser au-delà de la mécanique

Cette taille critique vient de permettre directement à l’industriel de gagner des contrats pour équiper les A320 et A220 d’Airbus. À elles seules, ces commandes feront grimper de 15 % les revenus de l’entreprise d’ici 2025. Dans les prochaines années, de telles commandes seront de plus plus en plus liées au développement de l’avion vert.

Il faudra de la main-d’œuvre très qualifiée pour soutenir la croissance. « Ce sera des métiers nouveaux », affirme Jean Blondin. « Notre industrie est vue comme mécanique. Il faudra briser ce paradigme. Nous sommes au-delà de la mécanique, même si elle constitue notre base. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Jean Blondin est le président d’Abipa International, qui a triplé ses effectifs en moins de dix ans.

Les métiers de l’avenir seront dans la compréhension et dans l’intelligence de faire, dans l’efficacité, dans la gouvernance, dans l’intégration de l’impact environnemental et social.

Jean Blondin, président d’Abipa International

Les entreprises de l’aérospatiale devront créer des postes qui deviendront clés, comme des coordonnateurs de l’enjeu environnemental. « Aujourd’hui, la plupart des PME n’en ont pas », pointe M. Blondin. « Nous devons développer nos capacités à mesurer nos émissions de gaz à effet de serre, ce que nous ne savons pas faire aujourd’hui. »

Les ingénieurs en matériaux, en conception et en simulation seront recherchés, pour permettre aux industriels de concevoir les pièces mécaniques en partenariat avec les donneurs d’ordre. L’ingénierie en intelligence artificielle sera essentielle pour assurer la connectivité des objets et des robots collaboratifs, de même que pour traiter les données numériques. Et il ne faut pas oublier les ingénieurs d’affaires, essentiels pour trouver les meilleures solutions pour le développement de l’entreprise, souligne Jean Blondin. Tous ces métiers, qui semblent si différents, ont en fait un immense point commun. Les futurs travailleurs de l’aérospatiale devront être au carrefour entre la maîtrise des technologies, la gestion des affaires et l’intégration de la dimension environnementale dans les décisions des entreprises.

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    Dans l’usine de Boisbriand d’Abipa International, un machiniste manœuvre 8 machines simultanément sans contact direct avec celles-ci, alors que l’on comptait un machiniste par appareil avant l’automatisation.