En santé, notre déficit d'attention collectif ne s'améliore pas. Les promesses défilent sans qu'on y porte attention. Cela se comprend. Mieux vaut baisser ses attentes pour ne pas être déçu...

Le plus récent exemple : la Coalition avenir Québec (CAQ) qui promet de revoir le mode de rémunération des médecins de famille. Selon François Legault, ce serait son engagement «le plus important» en santé. Pourtant, il est passé sous le radar.

Dommage. Car même si le chef caquiste en exagère l'effet, l'idée reste excellente.

La CAQ veut que les omnipraticiens soient moins payés à l'acte. La moitié de leur revenu viendrait désormais de la prise en charge de patients.

Pour se convaincre de la pertinence, on n'a qu'à relire la plus récente étude commandée par le Commissaire à la santé. Elle démontre qu'avec le mode actuel de rémunération des médecins, le Québec a le pire des deux mondes.

Aucun mode de rémunération n'est parfait. Chacun vient avec des avantages et des inconvénients. En théorie, le paiement à l'acte incite les médecins à prodiguer plus d'actes, mais de plus courte durée.

Or, dans la dernière décennie, le Québec n'en récolte que les désavantages.

La productivité n'a pas augmenté. 

Au contraire, le nombre d'actes et de visites par médecin ont chacun diminué.

Les médecins répliquent que s'ils voient moins de patients, c'est parce que les cas deviennent plus complexes. Or, cela n'explique au mieux qu'une partie de la baisse. La réponse est ailleurs : les médecins sont mieux payés et les jeunes veulent moins travailler. Résultat, ils réduisent leurs heures tout en maintenant leur salaire.

Si le Québec n'observe pas la hausse de la productivité promise par la rémunération à l'acte, il en récolte par contre les effets pervers.

L'essentiel du revenu des omnipraticiens vient des paiements à l'acte et des diverses primes. Elles relèvent de la même logique : celle de la carotte, de l'incitation financière.

Des actes médicaux non nécessaires sont ainsi donnés, alors que des patients moins «rentables», comme ceux souffrant de maladies mentales, sont négligés. De plus, la collaboration avec d'autres professionnels comme les superinfirmières est découragée.

Rendons cela plus concret : si un omnipraticien payé à l'heure en CLSC doit faire un simple suivi avec un patient, il lui téléphonera. Alors que s'il travaille dans un groupe de médecine familiale (GMF), il sera incité à le faire venir sur place pour le facturer.

Bien sûr, on ne prétend pas que tous les médecins agissent ainsi, mais ces incitatifs existent bel et bien.

Ces problèmes sont connus depuis longtemps. 

M. Legault a raison de s'y attaquer. Mais il devrait tempérer ses espoirs.

Comme le démontrent les études commandées par le Commissaire à la santé, le mode de rémunération n'est pas le principal facteur qui influence l'accès aux soins de qualité.

Par exemple, le modèle des établissements (la structure entrepreneuriale des groupes de médecine familiale) ou la collaboration entre les professionnels (délégation d'actes aux superfinfirmières) importent encore plus.

Reste que l'un n'exclut pas l'autre. En santé, chaque petit gain sera apprécié.

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70% de la rémunération brute des omnipraticiens vient des paiements à l'acte

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De 2006 à 2015, les omnipraticiens en offrent moins

Baisse de 8,2% des actes

Baisse de 17% des visites

Baisse de 4,5 journées de travail par année (de 203 à 194)

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On s'en inquiète depuis 1971...

En 1971, la commission Castonguay-Nepveu s'inquiétait déjà du paiement à l'acte.

Elle recommandait que ce mode de rémunération «soit progressivement abandonné» au profit du salariat et de la prise en charge de patients. Le rapport prônait aussi le recours aux autres professionnels comme les infirmières. Il faut favoriser la «médecine d'équipe», y lisait-on.

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