La réfection des vieux paddocks du circuit Gilles-Villeneuve a commencé cet été. Les travaux devaient coûter 48 millions. On prévoit maintenant que la facture s'élèvera à 76 millions, et que le public en payera la majorité.

De telles subventions aux grands événements culturels et sportifs sont enfin scrutées à la loupe. Notre collègue Vincent Brousseau-Pouliot a dévoilé récemment, grâce à sa compilation minutieuse, les subventions accordées et les retombées économiques et fiscales qui en découlent.

On y découvre un certain bordel... Certains reçoivent peu, d'autres beaucoup. Et certains rapportent beaucoup, alors que d'autres sont déficitaires pour les finances publiques.

Tourisme Québec a commencé à y mettre de l'ordre en 2015. Chaque grand événement (budget de plus de 6 millions de dollars) doit désormais déposer une étude sur ses retombées économiques et fiscales, une fois aux trois ans.

En décortiquant ces chiffres, on constate qu'un événement est étonnamment subventionné pour ce qu'il rapporte : le Grand Prix de Formule 1.

Les simples critères financiers ne suffisent pas pour évaluer les subventions. Les chiffres ne disent pas tout. Les événements n'ont pas le même objectif ni le même impact social. On a donc aussi besoin de critères qualitatifs. Il y en a deux.

D'abord, la gratuité. Certains festivals, comme les FrancoFolies et le Jazz, proposent des spectacles extérieurs gratuits. Ils perdent ainsi des revenus de billetterie, ainsi qu'une part de ventes d'alcool et de nourriture - la clientèle extérieure n'étant pas captive, elle peut manger et boire à l'extérieur du site.

Ensuite, il y a la mission. Un festival avec des concerts extérieurs favorise l'accès à la culture. Et il permet de donner à Montréal une image de marque à l'international, de ville de culture. Cette publicité a une valeur, qui est toutefois difficile à chiffrer en dollars.

En intégrant ces deux critères, on constate que le Grand Prix est dans une catégorie à part. À lui seul, il reçoit presque autant de subventions que les 17 principaux festivals. Et ce, même s'il n'offre pas le même type de programmation gratuite, et même s'il ne participe pas non plus à la démocratisation de la culture.

Il s'agit plutôt d'un sport en perte de vitesse, associé à la pollution et au tourisme sexuel. Est-ce une raison pour moins le subventionner ? À tout le moins, ce n'est pas un argument pour en faire le grand privilégié...

Pourtant, c'est le cas. On comprend pourquoi : par crainte de perdre cette prestigieuse compétition, nos élus cèdent au chantage du circuit.

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Il n'y a pas de science exacte pour déterminer la part de subventions que chaque événement mérite. Le problème avec le Grand Prix, c'est que la sacoche ne semble pas avoir de fond. Depuis le traumatisme de son annulation en 2004, Québec, Ottawa et Montréal cèdent aux caprices du circuit. On comprend qu'ils craignent de perdre les retombées économiques. Reste que ces retombées se sont dégonflées dans les dernières années. En 2010, on les estimait à 100 millions. En 2013, on parlait plutôt d'environ 80 millions. Selon le dernier estimé (2015), le chiffre serait de 48 millions.

Cette estimation est la première faite avec la méthodologie imposée par le ministère du Tourisme. On peut donc comparer les retombées de la F1 avec celles des autres événements.

La F1 génère d'importantes retombées économiques, mais étant donné ses subventions, au net, elle est un des événements les moins rentables pour l'État. En 2015, les recettes fiscales étaient inférieures aux subventions. Bref, il était déficitaire.

À la décharge du Grand Prix, l'année 2015 fut mauvaise. Les éditions suivantes ont accueilli plus de spectateurs. Il y a fort à parier qu'elles furent moins déficitaires et possiblement profitables, même pour les recettes fiscales venant de non-citoyens du Québec.

Les défenseurs du Grand Prix se réjouiront aussi de la visibilité à l'international pour Montréal, mais l'effet est difficile à chiffrer. Et il y a toutefois un autre élément dont on parle moins. Les subventions à la F1 vont à Liberty Media, propriétaire du circuit, qui abrite ses actifs entre autres dans les îles Caïmans, un paradis fiscal. Comme effet de levier sur notre économie, on a déjà vu mieux...

En analysant tout cela, on peut se demander pourquoi nos gouvernements favorisent à ce point la Formule 1 dans leurs subventions.

D'un point de vue comparatif, il n'y a pas d'argument économique, social ou culturel pour le justifier. La réponse est ailleurs : la crainte de perdre la prestigieuse compétition. C'est ainsi que l'année dernière, le contrat a été renouvelé pour 2024 à 2029.

Bien sûr, cela ne signifie pas que l'aide aux grands événements culturels est toujours mieux conçue. Elle vient aussi avec ses dérapages choquants. Un exemple : les 28 millions en fonds publics dépensés pour couper des arbres et moderniser l'amphithéâtre d'un parc public, au bénéfice du promoteur privé evenko, qui est désormais autant derrière le Canadien de Montréal que les festivals de jazz, Osheaga, les FrancoFolies et Montréal en lumière. Ce géant, réputé pour son opacité, doit être surveillé.

On aime que le Montréal soit une ville de festivals, qui popularise la culture. Mais il y a des limites aux sommes que les contribuables doivent payer. La fête a parfois le dos large.

14,7 millions net

(subvention moins redevances en 2015)

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