Le débat sur les services de garde est prévisible : les péquistes défendent les centres de la petite enfance (CPE), tandis que les libéraux s'en méfient. Mais il serait dommage de s'en tenir à ces réflexes partisans. Car derrière les propositions des partis se cache un débat de fond.

Le différent se résume à une question : à quoi devraient servir les garderies ? Pour les libéraux, il s'agit d'un service aux parents à qui on veut offrir un choix varié de modèles. Pour les péquistes, il s'agit d'un outil pour assurer l'égalité des chances et la réussite éducative.

Bien sûr, on ne peut enfermer la vision d'un parti dans une simple formule. Mais même si ce portrait est réducteur, il condense l'essentiel de l'affrontement idéologique.

C'est devenu encore plus clair depuis que le Parti québécois (PQ) a dévoilé la fin de semaine dernière sa proposition. C'est la plus progressiste et la plus soucieuse de la qualité. Reste toutefois à voir comment elle se financera.

Le PQ éliminerait la modulation des tarifs (voir l'encadré). Et il y aurait de l'aide pour les familles avec un revenu modeste ou avec plusieurs enfants.

Si le revenu du ménage est inférieur à 30 000 $, le service serait gratuit. Le tarif augmenterait ensuite progressivement pour les ménages gagnant entre 34 000 $ et 60 000 $, jusqu'au maximum de 8,05 $.

Si une famille a plusieurs enfants, elle recevra un rabais. Le deuxième enfant ne payera que la moitié du tarif. Et à partir du troisième rejeton, le service sera gratuit.

Pourquoi cet engagement ? Il découle de constats rapportés entre autres par l'Institut national de santé publique du Québec. Le premier, c'est que les enfants qui profiteraient le plus des services éducatifs sont ceux qui les fréquentent le moins. Le coût est une des raisons, même s'il en existe d'autres. Le second constat, c'est que les CPE offrent dans l'ensemble la meilleure qualité. 

Certes, il existe de mauvais CPE et d'excellentes garderies non subventionnées ou en milieu familial, et des parents se disent en mesure de vérifier par eux-mêmes la qualité d'un établissement. Mais dans l'ensemble, il y a moins de plaintes dans les CPE.

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Même si les libéraux sont moins généreux envers les familles nombreuses ou à faible revenu, ils les aident tout de même.

Dans son nouveau plan de lutte contre la pauvreté, Québec a annoncé que les bénéficiaires de l'aide sociale ne payeront plus pour les services de garde. Auparavant, ils n'avaient droit qu'à deux journées et demie gratuites par semaine.

Autre mesure libérale : la contribution additionnelle exigée aux familles est réduite de moitié pour le deuxième enfant, et elle disparaît avec le troisième.

Avec le gouvernement Couillard, le réseau est donc devenu plus progressif. Mais cela s'est fait dans le désordre. Au terme de ce jeu comptable complexe, les garderies privées non subventionnées sont devenues moins coûteuses pour plusieurs parents. Québec a ainsi poussé les parents vers la catégorie qui recueille le plus de plaintes.

Il y a un mot que les libéraux ne prononçaient pas souvent : qualité. Ils ont toutefois corrigé le tir en partie l'automne dernier avec leur projet de loi qui exigera désormais que les garderies privées non subventionnées fassent évaluer leur programme.

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La proposition péquiste semble donc la meilleure pour l'égalité des chances et la qualité des services. Reste toutefois à voir comment elle se financerait...

Pour la première année, le coût serait de 320 millions. Par contre, on ignore exactement de quelle façon les tarifs augmenteraient pour les revenus entre 34 000 $ et 60 000 $. le plan détaillé viendra dans les prochains mois

Et il y a encore plus d'incertitude pour les années suivantes. Puisque la promesse péquiste devrait augmenter la demande pour les CPE, Québec devra construire plus de places, ce qui haussera la facture.

Et en réduisant les tarifs pour certains ménages, Québec laisse sur la table une partie du crédit d'impôt fédéral. Le PQ se contente de dire qu'il convaincra Ottawa de lui redonner ces sommes. C'est une promesse faite les doigts croisés...

Reste maintenant pour l'électeur à décider ce qu'il priorise: l'égalité des chances et un certain gage de qualité, ou la diversité des modèles. Et il restera aussi à juger en campagne électorale de la crédibilité des cadres financiers.

> Lisez l'étude de l'Institut de la santé publique

Pousser vers le privé

Depuis 2015, les tarifs sont modulés pour le réseau public (CPE et privé subventionné). Une contribution supplémentaire est exigée aux familles qui gagnent plus de 51 000 $. Le tarif de base (8,05 $) augmente ainsi avec le revenu, jusqu'à un maximum de 21,20 $ par jour.

Les familles qui fréquent le réseau privé, plus coûteux, ont droit à un crédit d'impôt.

Le résultat de ces deux mesures : il devient plus avantageux financièrement de fréquenter le réseau privé non subventionné pour certaines familles (revenu inférieur à 50 000 $, ou revenu entre 100 000 et 150 000 $).

La demande pour ces places a donc a explosé. Depuis avril 2014, pas moins de 63 % des nouveaux places créées étaient en garderie privée non subventionné (19 141 sur 30 449).

UN RÉSEAU QUI CHANGE

2003

Centre de la petite enfance: 38 %

Milieu familial: 46 %

Privé subventionné: 15 %

Privé non-subventionné: moins de 1 %

2017

Centre de la petite enfance: 32 %

Milieu familial: 31 %

Privé subventionné: 16 %

Privé non-subventionné: 22 %

Moins de plaintes en CPE

Les CPE comptaient pour 32 % de la clientèle, mais 16 % des plaintes. C'est exactement le contraire pour les garderies privées subventionnées : elles comptent 16 % de la clientèle, et 32 % des plaintes.

Le réseau privé non subventionné fait encore moins bien. Il reçoit 18 % de la clientèle, mais 42 % des plaintes.

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