Après les ratés dans l'accueil des demandeurs d'asile d'origine haïtienne l'été dernier, Ottawa et Québec n'ont pas d'excuses. Cette fois, ils ont le temps de se préparer pour le possible afflux de demandeurs d'origine salvadorienne en provenance des États-Unis. Et ils ont pu tirer les leçons des erreurs des derniers mois.

Il faudra envoyer aux possibles demandeurs un message clair sur la loi canadienne, qui n'accorde pas l'asile à n'importe qui. Et il faudra aussi traiter les dossiers plus vite. Car il ne s'agit pas que de piles de papiers qui s'accumulent. Ce sont des drames humains, en chair et en os.

Lundi, le président Trump a annoncé qu'il retirerait le statut temporaire à quelque 195 000 résidants d'origine salvadorienne. Même si un sursis de 18 mois leur a été donné, plusieurs pourraient tenter leur chance au Canada dans les prochains mois.

Ils ne doivent pas être enchantés par un retour au Salvador, dévasté par la violence des gangs. Et pour plusieurs, ce n'est plus vraiment leur pays. Près de la moitié des détenteurs du certificat sont aux États-Unis depuis deux décennies. Ils ont fui la guerre civile, que Washington finançait...

Difficile de savoir combien parmi eux régulariseront leur statut aux États-Unis, ou tenteront de se rendre chez nous. Mais chose certaine, le Canada doit apprendre de la confusion de l'été dernier.

Un vieux gazouillis de Justin Trudeau sur l'immigration musulmane avait été sorti de son contexte par la diaspora haïtienne. Elle y avait vu une invitation générale à venir au Canada, et le fédéral a fait l'erreur de ne pas corriger cette impression. Le ministre de l'Immigration, Ahmed Hussen, était invisible. Il a fallu attendre de longues semaines avant que les libéraux rappellent la loi : pour être accepté, un demandeur doit prouver que sa vie est menacée.

Cette fois, le gouvernement Trudeau est plus proactif. Son whip Pablo Rodriguez a déjà fait quatre voyages aux États-Unis, et il s'apprête à y retourner pour informer la communauté salvadorienne du droit canadien et du droit international.

Mais cela ne suffira pas pour bien gérer une possible hausse des demandes. Un risque d'engorgement demeure aux frontières pour la réception des dossiers, et à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) pour le traitement des dossiers.

D'ailleurs, les délais sont déjà longs. Les douaniers ne réussissent plus à accomplir eux-mêmes la totalité de l'interview d'accueil. Et les demandeurs doivent souvent patienter plus d'une année pour comparaître devant la CISR et connaître sa décision.

Durant cette attente, s'ils veulent travailler, ils ont besoin d'un permis du fédéral... qui se fait lui aussi attendre. À la fin novembre, on avait délivré à peine le tiers des permis demandés depuis le début de l'été. Tant que les demandeurs ne travaillent pas, c'est Québec qui leur paye l'aide de dernier recours.

Il semble donc manquer de ressources, autant pour l'accueil que le traitement des demandes.

Dans son dernier mandat, le gouvernement Harper a imposé une coupe aux agents frontaliers, qui a réduit le nombre de postes d'environ 10%. Aujourd'hui, ils se disent débordés. La CISR a aussi énormément de travail, et ça ne s'améliorera pas - les dossiers salvadoriens s'annoncent complexes, car la menace des violences de gangs serait plus difficile à démontrer que celle d'une guerre civile.

Quant au provincial, il faut des avocats pour traiter les demandes. Or, cela passe habituellement par l'aide juridique, et peu d'avocats y participent à cause de la faible rémunération - environ 20 à 30 $ de l'heure, un salaire duquel on doit ensuite déduire les frais de bureau.

Certes, autant les avocats que les douaniers étaient déjà en négociation avec le gouvernement. Cela teinte en partie leurs demandes. Mais à constater l'ampleur des délais, on se dit que le Canada peut sûrement faire mieux.

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