Même si l'obsolescence n'est pas « programmée », cela ne la rend pas justifiée.

Voilà le malaise avec ceux qui s'empressent de défendre les interventions cachées d'Apple avec son iPhone. Ils font porter le débat sur les intentions, et non sur les conséquences. Et ils placent trop haut la barre de la faute. Selon leur logique, s'il n'y a pas de complot, il n'y a pas de problème. Or, même si le géant ne traficote pas ses téléphones pour limiter leur durée de vie, cela ne change rien au fait que les consommateurs sont entraînés malgré eux dans une spirale de consommation.

Rappelons l'affaire. Le mois dernier, un blogueur américain constate que certains modèles « vieux » - comme ceux de 2015... - fonctionnent au ralenti. Leur microprocesseur est soudainement devenu moins efficace. L'entreprise l'aurait-elle modifié à distance ?

Surprise, Apple répond « oui ». C'est pour régler un pépin technique, se justifie-t-elle. Avec le temps, les batteries faiblissent d'elles-mêmes, en plus de devenir surchargées par les nouveaux logiciels et applications. Le téléphone s'éteint alors parfois inopinément. Afin de ménager la batterie et d'empêcher ces fermetures, l'entreprise ralentit donc le microprocesseur.

Cela rend le téléphone moins performant, mais aussi plus durable. Difficile donc d'y voir une manoeuvre planifiée pour inciter les consommateurs à se procurer un nouveau modèle.

Reste que l'intervention est choquante pour plusieurs raisons.

D'abord, à cause de son opacité. Sans l'analyse du site Geekbench, on n'aurait jamais été informé.

Ensuite, à cause de sa perfidie. L'intervention pourrait faire croire aux usagers qu'ils ont un problème de microprocesseur, alors que la batterie est en cause. 

En brouillant le diagnostic, on empêche les usagers de trouver le bon remède.

Et enfin, Apple choque parce qu'elle ne faisait rien pour encourager le remède. Remplacer les batteries est au contraire plutôt complexe et onéreux.

Par conséquent, un groupe de défense des consommateurs a déposé une plainte en France en vertu de la nouvelle loi sur l'« obsolescence planifiée ». Elle s'ajoute à une autre plainte contre les imprimantes d'Epson, HP et Canon. Ce sera le premier test pour cette loi.

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L'obsolescence peut renvoyer à trois tares : un produit qui ne dure pas, qui est trop difficile et coûteux à réparer, ou encore qui n'est pas adaptable aux nouveaux logiciels et applications.

Or l'obsolescence n'est pas forcément préméditée. Les causes sont plus complexes. Une entreprise n'a pas intérêt à fabriquer un produit qui se brise. Sa réputation en souffrirait, et ses concurrents en profiteraient. Il existe des exemples de complots ou de cartels (ampoules ou bas nylon au début du XXe siècle), mais ils ne sont pas fréquents. 

Autre exemple : des spécialistes estiment que si les batteries due l'iPhone sont difficiles à enlever, c'est parce qu'on voulait plaire aux consommateurs en rendant le téléphone plus mince. Mais en même temps, on se souvient aussi que le premier iPod avait une batterie de courte durée qui ne se remplaçait pas...

Même s'il ne manque pas de produits fragiles ou difficiles à réparer et adapter, les consommateurs n'en sont pas toujours victimes. Parfois, certains y contribuent. C'est parce qu'ils veulent payer le moins cher possible. Et c'est aussi parce qu'ils veulent la technologie dernier cri. Cela devient un cercle vicieux. Si on veut le nouveau modèle, on accepte de garder son appareil moins longtemps. Et si on le garde moins longtemps, on ne voudra pas payer cher, et on s'inquiètera moins de la durabilité.

Les technophiles se réjouiront de cette spirale qui alimente l'innovation. Mais ils oublient les victimes collatérales : les gens qui ne peuvent plus se contenter de leur objet devenu moins fonctionnel, et l'environnement de plus en plus pollué.

Il n'y a pas de grand complot ? Tant mieux, mais cela ne règle pas le problème.

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