Avec l'obsession des politiciens pour les familles, la classe moyenne et les familles-de-la-classe-moyenne-qui-travaillent-fort, on ne parle guère de ceux qui ont pourtant le plus besoin d'aide : les pauvres.

Le nouveau plan d'action du gouvernement Couillard constitue une trop rare occasion de parler des plus démunis. Il s'agit du troisième plan depuis 2002 pour mettre en oeuvre les objectifs de la loi visant à lutter contre la pauvreté.

Le plan libéral contient de très bonnes mesures, tandis que d'autres ne font que maquiller le statu quo.

Commençons par le positif. Québec va bonifier significativement les prestations de ceux qui ont une «contrainte sévère à l'emploi» (incapacité physique ou intellectuelle, trouble d'apprentissage ou de santé mentale).

D'ici cinq ans, l'aide pour une personne seule ayant de telles contraintes passera de 12 749 à 18 029 $. La somme sera plus élevée pour les couples avec ou sans enfants. Au total, il s'agit d'un investissement de 1,25 milliard de dollars. En 2023, cette aide équivaudra ainsi à 100% de la mesure du panier de consommation des besoins de base (alimentation, vêtement, logement, transport).

Québec réserve cette aide aux gens qui souffrent de ces contraintes depuis plus de 66 des 72 derniers mois. Bref, des gens qui ne réussissent pas à s'en sortir. On leur permettra de garder la tête juste au-dessus de l'eau.

Il faut saluer ce gain pour la dignité humaine. Autant l'objectif que le moyen pour l'atteindre sont clairs.

On ne peut toutefois pas en dire autant des gens sans contrainte sévère à l'emploi. Pour eux, la bonification reste modeste. D'ici 2023, ils recevront une hausse de 5,8%.

Le plan distingue entre les bons et les mauvais pauvres, ont dénoncé Québec solidaire et les groupes de défense des assistés sociaux. En fait, cette distinction existe dans notre loi depuis 1988, et elle s'observe dans d'autres pays aussi. Il est normal que les gens avec des contraintes sévères ne soient pas assujettis aux mêmes programmes. Et il est normal que l'aide soit plafonnée. Si elle est trop généreuse, les prestataires seront moins incités à chercher un travail.

Mais fallait-il pour autant maintenir l'aide si basse? En 2023, une personne sans contrainte sévère à l'emploi recevra encore moins de 10 000 $ par année. Cela n'équivaut qu'à 55% du panier de consommation. À peine plus que la moitié du nécessaire pour combler ses besoins essentiels.

Québec répond que cette aide ne vise qu'à couvrir les besoins à court terme, en attendant de trouver un emploi. Et que passé le seuil de 55%, on découragerait la recherche d'un emploi. Il est vrai que c'est ce que recommandait le Comité d'experts sur le revenu garanti. Mais on oublie que le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté proposait plutôt 80%.

Ce seuil n'est pas une science exacte. Les personnes assistées sociales ne sont pas que des machines rationnelles qui optimisent leurs choix fiscaux! Leurs parcours sont complexes, tout comme leurs embûches. Il est facile de les juger à distance, le ventre plein...

La seule certitude, c'est qu'en maintenant l'aide si basse, la détresse ne sera jamais loin.

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Remettons le débat en perspective. Le Québec est plus égalitaire et généreux que le reste du Canada.

Depuis les années 90, d'importants progrès ont été accomplis. Le taux de Québécois qui reçoivent de l'aide sociale a baissé de 12% à 6%. Cela s'explique par le marché de l'emploi et les politiques progressistes, qui ont surtout aidé les familles.

Mais tandis que le sort des familles et des mères chefs de famille monoparentale s'améliorait, celui des personnes seules se détériorait.

Et on ne parle pas des travailleurs qui peinent à sortir de la pauvreté à cause du chiche salaire minimum - il augmentera de 1,70 $ d'ici 2021.

Malgré certaines avancées, le Québec reste en retard par rapport à son objectif. Selon la Loi de 2002, nous devrions aujourd'hui avoir rejoint les nations avec le plus faible taux de pauvreté. Or, on demeure encore dans le peloton du milieu (Belgique, Allemagne, Royaume-Uni), loin derrière les meneurs (Pays-Bas, Irlande, Autriche, France et les pays scandinaves).

On le sait, les élections ne se gagnent pas en parlant des plus pauvres. Les libéraux ont dévoilé leur plan, et les péquistes et solidaires ont exprimé leurs critiques. Espérons que les caquistes, qui n'ont pas encore commenté le plan d'action, se soucieront aussi des plus démunis.

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