Les rumeurs de remaniement ministériel s'intensifient à Québec. Mais à quoi servirait un possible remaniement? Ça dépend pour qui. Il y a la stratégie et les enjeux de fond.

Pour la stratégie, les libéraux voudront évincer les cancres, mais aussi rajeunir et féminiser leur visage à l'aube de la campagne électorale. 

À Ottawa, les trois partis sont dirigés par des chefs de 45 ans et moins, tandis qu'à Québec, les chefs sont tous des baby-boomers. Philippe Couillard voudra incarner ce changement de génération à travers son équipe.

Voilà pour la stratégie de communication - il faut la comprendre pour mieux développer des anticorps. Mais pour la gestion de l'État, doit-on souhaiter un remaniement? Il y a quelques urgences à régler avant l'été.

Accès à l'information

La première concerne la réforme des institutions démocratiques. La ministre responsable, Rita de Santis, est une des grandes déceptions du gouvernement. Cette brillante juriste n'en finit plus de gaffer (ingérence dans la Commission d'accès à l'information, point de presse réservé aux anglophones, réforme de la carte électorale, etc.). Or, c'est à elle que revient la délicate réforme de la Loi sur l'accès à l'information.

En avril 2014, M. Couillard promettait le gouvernement «le plus transparent [...] de l'histoire». Depuis, rien n'a changé. Il reste peu de temps au premier ministre pour sauver sa crédibilité.

Discrimination systémique

La seconde urgence concerne la commission sur la discrimination systémique et le racisme. En Ontario, tous les partis de l'opposition s'étaient ralliés derrière la consultation du gouvernement. Chez nous, la ministre responsable, Kathleen Weil, a divisé les Québécois.

Bien sûr, l'opposition voulait dès le départ que l'exercice échoue. Reste que Mme Weil leur a donné beaucoup de munitions... L'hiver dernier, la ministre a créé un comité-aviseur sur lequel siégeaient des ennemis des péquistes et des caquistes. Puis en été, elle a choisi une formule boiteuse et elle a confié le mandat à la Commission des droits de la personne (CDPDJ) malgré son manque de moyens, et malgré l'absence de vice-président responsable du dossier.

Pour compléter le gâchis, la présidente de la CDPDJ s'est attiré trois plaintes pour mauvaise gestion et abus d'autorité. Malgré tout, elle s'accroche obstinément à son poste. On ne doute pas que les groupes minoritaires soient victimes d'injustice, mais il est urgent de trouver un ministre qui réussit à ne pas leur nuire en essayant de les aider.

Justice



En justice, le gouvernement Couillard s'est aussi tiré dans le pied à quelques reprises. Il y a eu l'inutile projet de loi sur les propos haineux, la lenteur à s'attaquer aux délais en justice et la défense confuse du projet de loi sur la neutralité religieuse. Mais il est un peu tard pour agir, car ces crises sont déjà passées.

Transport

En transport, les dossiers avancent encore à la vitesse des cônes orange. On attend encore la politique sur la mobilité durable, le prolongement de la ligne bleue reste à l'étape d'éternel projet et le Code de la sécurité routière n'est pas modernisé. Robert Poëti était un ministre intègre, mais cela ne le rendait pas compétent. Son successeur, le regretté Jacques Daoust, a aussi vécu ses difficultés. Laurent Lessard, appelé en relève, doit depuis assumer ce difficile mandat tout en étant ministre de l'Agriculture. Qu'on le décharge de ce fardeau pour que quelque chose se passe!

Éducation et santé

Il reste l'Éducation et la Santé, les deux grandes missions de l'État. Depuis plusieurs années, l'Éducation souffre des jeux de chaises musicales - sept ministres s'y sont succédé dans la dernière décennie. Après les errances de MM. Bolduc et Blais, Sébastien Proulx semble enfin poser les bons diagnostics. Mais on attend avec de moins en moins de patience que cela débouche sur des solutions concrètes. Il doit finir le travail.

Quant à la Santé, un nombre croissant d'observateurs se demandent s'il ne faudrait pas que le ministère soit dirigé par un non-médecin. Les réformes promises par Gaétan Barrette changent encore peu de choses pour les patients. Mais avec moins de huit mois de travaux parlementaires à faire, il manque de temps pour revirer ce paquebot. L'électrochoc devra venir du prochain gouvernement.

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