C'est un tour de magie dont le sport professionnel a le secret.Prononcez une des formules suivantes :  - Il faut un nouveau stade pour attirer une équipe - Il faut un nouveau stade pour ne pas perdre l'équipeEt hop ! Par une mystérieuse alchimie, le nouvel amphithéâtre est construit en socialisant les coûts et en privatisant les profits.

Pour ceux qui n'aiment pas ce chantage, la dernière semaine fut très belle. Seattle et Calgary ont prouvé qu'il est possible de ne pas se coucher par terre à la première menace.

Les colonnes vertébrales existent encore. Il ne reste plus qu'à télécopier la nouvelle à ceux qui rêvent encore d'un retour du baseball à Montréal financé avec nos taxes...

Pour Seattle, la victoire fut lente. Dans les années 90, alors que l'équipe de baseball menaçait de déménager, un homme d'affaires lançait la coalition des Citoyens pour des choses plus importantes (Citizens For More Important Things). Le message est dans le titre.

Le groupe a perdu la première manche, mais l'idée a germé. Seattle est devenue plus sceptique face aux promoteurs. Elle a redécouvert le pouvoir d'un mot simple, « n-o-n ». Et surprise, cela a fini par fonctionner.

Dans les derniers jours, un promoteur privé a offert de financer la rénovation de l'aréna Old Key, tandis qu'un autre veut en construire un nouveau. Seattle serait maintenant favorite pour obtenir la 32e équipe de la Ligue nationale de hockey (LNH).

Pour Calgary, la partie n'est pas terminée. Il y a quelques mois, le directeur général des Flames menaçait de déménager l'équipe si un nouvel aréna n'était pas construit. C'est « essentiel pour la compétitivité future et la stabilité de la franchise », a averti le commissaire de la LNH, Gary Bettman. Et bien sûr, la Ville devrait payer sa « juste part »...

Le maire Naheed Nenshi se tient debout. Selon lui, le premier projet présenté sous-estimait les coûts et le second refile encore la majorité des coûts aux contribuables. Même si les élections municipales approchent et que les Flames ont quitté la table, le maire ne change pas son offre déjà généreuse - il payerait le tiers de la facture.

Le propriétaire des Flames aura le temps d'y repenser. Quant à Gary Bettman, rien ne l'empêche de prendre une longue marche santé dans un autre recoin de la galaxie.

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Le chantage « pas de nouveau stade, pas d'équipe » dérange pour deux raisons.

D'abord, parce qu'on prétend qu'un aréna construit en 1983, comme le Saddledome, serait une relique obsolète. Quoi, les années 80 ? Cette époque où les fans voyageaient en calèche et éclairaient la glace à la chandelle ? Un double échec, ça se regarde en reprise sur un écran d'amphithéâtre dernier cri ou ça ne se regarde pas. Par contre, quand les champignons poussent dans les gymnases d'école, on tient tout à coup à la rigueur budgétaire...

Ensuite, parce que si l'aréna permettait vraiment de protéger la rentabilité de l'équipe, alors la conclusion s'écrit par elle-même. Puisque c'est une bonne décision d'affaires, le privé n'a qu'à le payer ! S'il refuse, c'est parce que sa rentabilité repose sur une condition : on va faire de l'argent si vous payez la facture. Bien sûr, une ville peut contribuer à une aide à un amphithéâtre multifonctionnel, mais l'aide doit rester prudente et modeste.

Hélas, cela fonctionne parfois encore. Il y a le cas de Kansas City, dont l'aréna dernier cri n'héberge aucune équipe sportive, ou encore le Centre Vidéotron de Québec, qui attend encore très patiemment la venue des Nordiques.

COMMENT DÉCODER UNE ÉTUDE D'IMPACT

Voici quelques paramètres à examiner en lisant la prochaine étude d'impact sur la construction d'un aréna ou d'un stade.

- Qui a commandé l'étude ? Quelle est sa marge d'erreur ?

 - Le promoteur payera-t-il la construction ? Un loyer ? Des taxes municipales ? Des droits de nom ? Et s'il perd de l'argent, des dépenses seront-elles remboursées par la Ville ?

 - Si la Ville prête de l'argent, quel sera le taux d'intérêt ? Qu'aurait-elle pu financer d'autre avec cette somme ? Et quel autre usage aurait-elle pu faire du lieu ?

 - Comment calcule-t-on les retombées économiques ? Présume-t-on qu'un dollar dépensé à l'aréna n'aurait pas été dépensé dans un autre commerce ?

Plusieurs livres et études ont été écrits sur la socialisation des coûts de construction. Il existe même un site web qui les recense, Field of Schemes, un clin d'oeil au film Field of Dreams.

On pourrait compléter ainsi sa célèbre réplique : construisez-le et ils vont venir (mais vous allez payer pour).

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