Barcelone, Turku, Ouagadougou, Mandarari. Une autre semaine d'attentats terroristes. On ne s'habitue jamais à ces carnages, mais le choc semble se transformer plus vite en exaspération. Comme un arrière-goût de lassitude et d'impuissance.

On a l'impression d'avoir déjà tout dit. Les réactions habituelles viennent désormais comme un réflexe : restons unis, ne cédons pas à la peur et ne réduisons pas nos libertés civiles. On répète que les terroristes veulent infléchir notre politique étrangère. Et on rappelle qu'ils veulent semer la haine pour que les musulmans soient ostracisés, et donc plus faciles à recruter. Tout cela est vrai.

Au Nigeria et au Burkina Faso, les coupables semblent connus : il s'agirait de Boko Haram et d'Al-Qaïda au Maghreb islamique. En Espagne et en Finlande, les enquêtes commencent à peine. Le groupe État islamique (EI) a revendiqué l'attentat de Barcelone. On ne peut pas en conclure grand-chose, prévenaient toutefois des politologues hier dans La Presse+. C'est vrai, dans le sens où l'on ignore si l'EI a orchestré les attaques. Mais même s'il n'y avait pas de lien organisationnel, cela n'a rien de rassurant.

L'EI a deux visages : il se territorialise en Syrie et en Irak avec sa tentative de califat, et il s'exporte ailleurs en orchestrant ou en inspirant des attaques terroristes. Même s'il perd son territoire, les attentats à l'étranger se poursuivent.

En 2014, l'EI appelait ses sympathisants à lancer eux-mêmes des attaques en utilisant une voiture comme bélier. Il se franchisait en fournissant la motivation et la stratégie à n'importe qui sur l'internet. Si l'attentat de Barcelone n'était pas planifié par l'EI, cela prouverait une fois de plus que le virus de la haine djihadiste se propage - avec l'appui de réseaux salafistes comme il en existe à Barcelone, selon Peter Neumann du King's College, cité par la BBC. Des réseaux qui s'abreuvent à l'islam wahhabite de l'Arabie saoudite, notre « ami »...

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À Barcelone comme à Londres, Nice ou Berlin, on répète aux caméras de télé qu'il faut continuer de sortir au restaurant, que la vie doit continuer. Et c'est ce qu'elle fera, comme d'habitude.

Mais il y a comme une impression d'irréel qui s'installe. On s'inquiète sans vraiment croire que cela arrive pour de vrai. Pas chez nous, du moins.

Cela s'explique. C'est parce que le terrorisme reste éloigné géographiquement - en 2016, moins de 3 % des attentats étaient en Occident. Et c'est aussi parce qu'il paraît éloigné psychologiquement. Dans nos démocraties libérales, la religion recule et l'individualisme augmente. On peine à imaginer les gens autrement qu'en machines rationnelles cherchant un peu de bonheur et de répit. On ne conçoit pas qu'un terroriste pense que sa mort violente lui ouvrira les portes du paradis. On préfère chercher une explication logique - la maladie mentale, la marginalisation, la riposte aux ingérences alliées dans le Moyen-Orient. Tout cela a sans doute une influence. Les motivations peuvent être nombreuses et contradictoires, mais la haine religieuse en fait aussi partie.

C'est aussi à cela que nous ramènent les attentats. Après quelques décennies de prospérité et de sécurité sans précédent, cette violence nous force à renouer avec le tragique. Avec la possibilité d'un mal inexplicable qui ne disparaît pas.

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