Dans sa vaste consultation sur l'éducation lancée en septembre, le ministre Sébastien Proulx a promis d'écouter tout le monde. Mais on ne devrait pas s'en réjouir trop vite, car toutes les opinions ne se valent pas.

Le temps est venu d'oser une idée révolutionnaire : faire ce qui fonctionne. Ce que la recherche recommande.

Comment le savoir ? Ce n'est pas en s'assoyant à table avec les partenaires sur le mode écoute, à la recherche d'une entente gagnant-gagnant... Il y a trop d'intérêts qui s'affrontent. Trop de groupes qui défendent leur intérêt corporatiste ou leur entêtement idéologique.

M. Proulx a bien commencé son mandat en abandonnant l'inutile brassage de structures de son prédécesseur, qui voulait abolir les élections scolaires. Il a raison de lancer maintenant une consultation. Mais pour concrétiser ses idées enthousiasmantes, il devra avoir le courage de déplaire.

Un spectaculaire coup de pied s'impose. Il faut reconstruire l'édifice à partir de la base en libérant la science des lobbys et des lubies pédagogiques. 

La meilleure façon de le faire : créer un institut indépendant d'excellence en éducation, pour savoir sur quoi fonder nos choix.

Cela commence en posant le bon diagnostic. Hélas, le ministère de l'Éducation fait partie du problème. Par exemple, au sujet de la diplomation, il entretient un flou qui n'a rien d'artistique. Pour gonfler les résultats, le Ministère amalgame les diplômes réguliers et les qualifications professionnelles, qui n'exigent pas plus qu'un niveau de lecture de secondaire 1. Il faut même déposer une demande d'accès à l'information pour connaître les résultats des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. Le Ministère se soucie un peu trop de ses relations publiques...

Notre but n'est pas de noircir le portrait - d'ailleurs, les Québécois se classent très bien dans les tests internationaux en mathématiques. Mais le faible taux de diplomation demeure alarmant, et pour le confirmer, pas besoin de se comparer à la Finlande. Il suffit de franchir la rivière des Outaouais. En Ontario, ce taux est de 92 % pour les francophones, contre 71 % au Québec.

Ces chiffres devraient être publics par défaut, et gérés par un institut indépendant, comme c'est le cas en Ontario. On pourrait s'inspirer aussi de leurs indicateurs de performance qui comparent les aptitudes en lecture, écriture et mathématique d'un enfant, ce qui permet de prédire les risques d'échec.

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De nombreuses études existent pour identifier les solutions, mais elles sont trop souvent récupérées, déformées ou enterrées.

C'est un problème au Ministère, comme l'a prouvé la réforme pédagogique qui a nui aux élèves déjà en difficulté, et comme le prouvent encore aujourd'hui les résistances contre l'apprentissage de la lecture par le son des lettres, pourtant corroborée par plusieurs recherches et appliquée avec succès dans les maternelles de la commission scolaire Rivière-du-Nord.

C'est aussi un problème chez les politiciens, qui courtisent des votes avec des idées au goût du jour, comme les coûteux tableaux blancs interactifs.

Et enfin, c'est un problème chez les commissions scolaires, allergiques à toute décentralisation, ainsi que chez les syndicats d'enseignants. Bien sûr, les professeurs font un travail à la fois difficile et admirable. Mais le débat sur le ratio d'élèves par classe ne devrait pas être abordé comme s'il ne s'agissait que d'une clause de convention collective pour laquelle on cherche un compromis. Ce qui importe, c'est de vérifier si cela fonctionne.

D'autres tabous devront être brisés, comme la dictature de l'ancienneté et les malaises, comme ceux liés aux interventions qui ne ciblent qu'un sexe ou une autre catégorie d'enfants (quand des chercheurs ont proposé en 2007 des services adaptées aux jeunes doués, la Centrale des syndicats du Québec y avait vu un flirt avec « l'eugénisme » !).

Un institut indépendant synthétiserait les recherches pour en dégager les conclusions, qu'elles plaisent ou non. Parents, professeurs et politiciens connaîtraient ainsi l'efficacité de mesures comme l'école obligatoire jusqu'à 18 ans, les devoirs au primaire ou l'anglais intensif.

Il ne s'agit pas de centraliser la prise de décisions. Seulement de sortir la science des griffes de ceux qui l'instrumentalisent.

Peut-être même que les recommandations plaideront pour plus d'autonomie aux écoles et aux enseignants.

Certes, les compressions en éducation ont fait mal, particulièrement aux plus défavorisés. Mais engloutir de l'argent dans de mauvaises idées ne réglera pas le problème.

Après la succession de gaffeurs à la tête du ministère de l'Éducation, le premier ministre Couillard a assuré que M. Proulx était là pour rester. Le défi qui l'attend est colossal. Il devra travailler à son héritage, et non à sa popularité.

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