Québec a raison de ne pas sauter dans le train de la réforme pancanadienne des régimes publics de retraite.

L'entente fédérale-provinciale a été conclue lundi à Vancouver. Elle est en grande partie positive, car elle bonifiera la retraite de la classe moyenne. Mais elle a un effet pervers pour les gens à faible revenu : une portion de leur salaire mis de côté ne leur sera pas redonné à leur retraite.

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Les revenus de retraités canadiens proviennent de trois sources : 

 - Supplément de revenu garanti, pour les gens à faible revenu ;

 - Pension de la Sécurité de la vieillesse ;

 - Régime de rentes du Québec, ou Régime de pensions du Canada dans les autres provinces.

Ces régimes fonctionnent assez bien aujourd'hui.

Le positif : ils ont réduit la pauvreté des aînés, leurs frais de gestion sont faibles et ils restent viables, comme l'a déjà démontré l'actuaire en chef du Canada.

Le négatif : ces régimes sont relativement peu généreux (le Canada se classe 17e sur 20 pays de l'OCDE pour l'argent public dépensé en rentes).

Les régimes privés des employeurs ne réussissent pas toujours à compenser cet écart. Au contraire, le pourcentage de Canadiens couverts par ces régimes a reculé depuis 20 ans. De plus, ces régimes deviennent moins généreux - certains passent de prestation à cotisation déterminée, ce qui transfère le risque aux employés.

Les initiatives d'épargne privée, comme les régimes volontaires, ne suffisent pas non plus, car les travailleurs manquent de discipline ou d'argent pour y participer.

En résumé, le régime public fonctionne, mais il est sous-utilisé par la classe moyenne. Le problème vient donc avec sa solution.

Tel que promis en campagne électorale, Justin Trudeau a proposé une réforme pour élargir l'épargne forcée.

L'entente conclue lundi prévoit : 

 - une hausse des revenus couverts par le régime public fédéral de pensions. Le plafond passe de 54 900 $ à 82 700 $ ;

 - une hausse de la cotisation, de 9,9 à 13 %, assumée à parts égales par les employés et leur employeur.

La classe moyenne, ou la classe moyenne supérieure, en ressort gagnante. Les perdants sont ceux qui gagnent moins de 30 000 $. Ces travailleurs devront cotiser davantage, ce qui leur enlèvera un peu plus de leur maigre revenu disponible. Et cet argent mis de côté leur échappera en partie à la retraite, car plus cette rente augmente, plus le supplément fédéral diminuera. Pour ces gens moins fortunés, le problème est moins le revenu à la retraite que le revenu durant la vie active.

Voilà pourquoi le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, a bien fait de mettre en garde ses homologues.

Le Québec a proposé de scinder la réforme en deux. La hausse prévue de la cotisation employé-employeur s'appliquerait seulement aux gens gagnant plus de 27 000 $. Les autres profiteraient plutôt d'une hausse des autres prestations fédérales (supplément de revenu et pension de vieillesse), soit celles qui ne requièrent pas de cotisation personnelle. Peut-être aussi qu'une mesure plus ciblée aurait été préférable. Mais chose certaine, il aurait fallu poursuivre la réflexion.

Malheureusement, l'Ontario était trop pressé de remplir une promesse électorale. Et le fédéral était bien content de sauver par la bande de l'argent en prestations non versées de supplément de revenu. Puisque les travailleurs cotiseront plus à leur retraite, ils recevront de plus grandes rentes, et seront ainsi moins admissibles aux prestations spéciales.

M. Leitao a essayé de corriger ce problème. Il est dommage qu'on n'ait pas pris le temps de l'écouter.

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