« Un élu qui choisit de son plein gré de démissionner en cours de mandat ne respecte pas le contrat moral qu'il a pris avec ses électeurs. »- Bernard Drainville, 20 mars 2013, en présentant le projet de loi 33 pour abolir les primes de départ aux élus démissionnaires

Pour accepter la décision de Bernard Drainville, il faut le contredire.

Certes, M. Drainville dénonçait avant tout qu'un démissionnaire soit récompensé par une prime de départ. Et il ne s'est pas contenté de le déplorer ; il a mené la charge pour que ces primes soient enfin abolies.

La fin de cette prime ne change toutefois pas le « contrat moral » entre un citoyen et ses électeurs.

Il est bien de ne pas être payé pour avoir rompu un contrat, mais il est encore mieux de l'honorer.

De plus, même si le cadeau au démissionnaire a disparu, la punition pour l'État demeure. Chaque départ provoque une élection partielle, qui coûte près de 600 000 $. À l'échelle de l'État québécois, la somme peut sembler minime, et le renouvellement de la démocratie vaut bien ce prix. Mais cela demeure un problème à cause du symbole, soutenait jusqu'à tout récemment M. Drainville lui-même. Et c'est surtout devenu un problème à cause de l'accumulation - pas moins de 11 députés ont démissionné depuis les dernières élections.

Plusieurs peuvent plaider des circonstances atténuantes, et avec raison. Il faut être à la fois exigeant et juste envers les élus, pour combattre le désabusement sans l'alimenter, et sans décourager de futurs candidats.

Cette empathie que M. Drainville manifeste aujourd'hui pour sa propre personne, il l'a toutefois refusée à ses adversaires. Après avoir déchiré sa chemise si souvent, il se retrouve nu.

Malgré tout, son bilan ne devrait pas se résumer à son départ. Car même si M. Drainville alimente maintenant un peu le désabusement des électeurs, il a par contre fait beaucoup pour le combattre dans les dernières années.

La perte de confiance provient entre autres de faillites institutionnelles, et M. Drainville s'y est attaqué en adoptant trois réformes à l'unanimité, sous un gouvernement minoritaire : plafonner les dons aux partis et les dépenses en campagne électorale, instaurer des élections à date fixe, et enfin permettre le vote sur les campus pour favoriser la participation des jeunes.

Il a aussi combattu de l'intérieur le projet de loi péquiste 204, qui a servi à financer avec des fonds publics le nouveau Colisée, hôte aujourd'hui des Éléphants blancs de Québec...

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Le départ de M. Drainville résulte de raisons personnelles - tout indique que le prochain chef péquiste l'aurait relégué à un rôle de soutien. Mais il y a aussi des raisons plus profondes, de convictions déçues.

En 2012, il sonnait déjà l'alarme :  le Parti québécois risquait de disparaître. Puis l'année dernière, comme candidat à la direction, il proposait de ne pas tenir de référendum dans un premier mandat. Sinon, les troupes s'écraseront contre le mur électoral, prévenait-il.

Le jour où les Québécois voudront l'indépendance, « je serai là, je vais servir », a promis hier M. Drainville. De toute évidence, il ne voit pas cet horizon apparaître. Au contraire, l'ex-député s'éloigne de la liturgie péquiste, cette messe où les députés reprennent les rites de l'indépendance en faisant semblant que la population y croit encore, ou qu'un peu de pédagogie suffira à la convertir.

De son propre aveu, M. Drainville pratiquait une politique de combat, presque chevaleresque. Il devenait épuisé de manier son épée dans le vide.

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