Les révélations de Robert Poëti démontrent que le règne de l'opacité n'est pas terminé au ministère des Transports (MTQ). Ce problème, le gouvernement Couillard ne l'a pas créé, mais il n'a pas non plus aidé à le régler.

Au contraire, il a commis deux erreurs. D'abord, il a enquêté dans le désordre.

Puis, quand des irrégularités sont apparues, elles ont été ignorées pendant de longues semaines.

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En avril 2014, M. Poëti avait été nommé pour faire le ménage au ministère des Transports. L'ex-policier a alors engagé une enquêteuse à son service, Annie Trudel. C'était une étrange façon de procéder, car l'annonce n'était pas publique et n'était pas coordonnée avec l'exécutif. Sa légitimité pouvait donc être remise en question au Ministère. Il aurait été préférable d'imiter l'ex-ministre péquiste Sylvain Gaudreault et de lancer un audit en bonne et due forme, de façon publique et avec l'appui du Conseil des ministres.

Malgré tout, ce travail a été utile. Les rapports du Vérificateur général, de l'Unité anticollusion et de la commission Charbonneau avaient déjà exposé plusieurs vices du MTQ, comme les contrats de gré à gré non justifiés à d'ex-fonctionnaires ou les vérificateurs intimidés par leurs patrons. M. Poëti et son enquêteuse ont rappelé que le ménage est loin d'être terminé.

Le mérite du tandem a surtout été de braquer les projecteurs sur ce qui empêche de faire le ménage : la machine du MTQ, qui a le réflexe de l'huître. M. Poëti l'a d'abord dénoncé dans sa lettre à son successeur Jacques Daoust. Puis l'enquêteuse Annie Trudel l'a fait à son tour dans sa lettre de démission.

Ce qu'elle y allègue est troublant : le MTQ a refusé de lui transmettre des documents, de l'écouter et même d'héberger son bureau.

Si on avait pu, on lui aurait loué un local dans l'île d'Ellesmere...

La première responsable de cette opacité était la sous-ministre du MTQ, Dominique Savoie. Elle a trahi son arrogance mercredi en claironnant que le ministre n'avait pas à lui donner d'ordres. Elle a même répété qu'il n'y avait pas de mal à ce que les vérificateurs évaluent le travail de leurs supérieurs. Sous ce régime, 39 vérifications sur 40 avaient été jugées conformes l'année dernière. Or, un rapport externe indépendant a révélé par la suite qu'il n'y avait finalement qu'un seul contrat conforme ! Pire, elle a attendu plusieurs mois avant d'en informer son ministre Poëti, a révélé en décembre dernier La Presse+.

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M. Couillard n'avait pas le choix hier. Il devait la dégommer. Tout comme il devait congédier le chef de cabinet du ministre Daoust, qui lui a caché pendant près d'un mois le contenu de l'alarmante lettre de démission de l'enquêteuse Annie Trudel.

Le premier ministre a pris une bonne décision hier, celle de nommer au MTQ un inspecteur général avec un mandat clair. Il aurait toutefois été plus crédible de ne pas le faire deux ans en retard, en réaction à une crise.

Mais à lui seul, cet inspecteur ne pourra pas accomplir de miracle. Pour savoir ce qui se passe au MTQ, il faut une culture de la transparence et une loi musclée sur l'accès à l'information. Et il faut aussi une loi qui protégera véritablement les dénonciateurs, y compris ceux qui travaillent pour les contractants privés de l'État.

Cela nous laisse avec une question troublante. Sans le reportage de L'Actualité, que se serait-il passé ?

Former Transport Minister Robert Poeti responds to reporters questions over contracts given by his ministry, Wednesday, May 18, 2016 at the legislature in Quebec City. THE CANADIAN PRESS/Jacques Boissinot

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