Avec le temps, les menaces non exécutées finissent par devenir des blagues. Il en va ainsi des bravades de Québec contre la poignée d'écoles religieuses délinquantes.

Les gouvernements se suivent et se ressemblent. On ne peut pas dire qu'ils ferment les yeux ; c'est encore plus décourageant. Ils voient le problème, protestent, essaient de sévir, et puis... Et puis pas grand-chose, à part les années qui passent.

Le meilleur espoir se trouve à la Cour supérieure, où une requête vient d'être déposée par un couple de rescapés d'écoles juives hassidiques de Boisbriand.

On ne leur a pas enseigné le français, la géographie, l'histoire ou les sciences. À la fin de leur adolescence, ils ignoraient même ce qu'était le fleuve Saint-Laurent. Ces plaignants ne réclament toutefois pas d'argent. Ils veulent que le tribunal déclare que l'école a violé les lois sur l'enseignement, ainsi que la Charte des droits et libertés et la Charte de la langue française.

En d'autres mots, ils demandent à la Cour de donner un coup de pied à Québec pour empêcher que leur histoire ne se répète.

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Quelques nuances s'imposent sur les écoles religieuses. Le terme désigne trois catégories très différentes :

- école qui revendique une tradition religieuse mais avec un cursus régulier ;

- école avec des activités religieuses optionnelles ;

- école avec un projet structuré d'éducation de la foi.

Dans cette dernière catégorie, moins du quart des écoles contreviennent au programme ministériel. Certaines le violent tout en gardant leur permis, et parfois même leur subvention. D'autres opèrent sans permis, dans la clandestinité. Les établissements évangéliques et hassidiques sont les plus souvent mis en cause.

La crainte de Québec reste toujours la même : si on ferme ces écoles, on perdra la trace des enfants. Les précédents gouvernements ont donc surtout essayé le dialogue et les avertissements, avec peu de résultats.

En 2014, à la suite de reportages embarrassants, le ministre de l'Éducation Yves Bolduc avait créé un comité interministériel qui promettait d'examiner deux pistes intéressantes. Pour garder la trace des enfants, on croiserait les données de l'assurance-maladie avec celles du ministère de l'Éducation. Et pour les rescaper, on allégerait la preuve que doit faire la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).

Depuis, c'est le silence radio. Même s'il a déjà beaucoup dans son assiette, le nouveau ministre Sébastien Proulx devra terminer ce travail.

Le régime actuel n'a pourtant rien de radical. Il n'empêche pas une école d'ajouter la religion à son cursus. Il exige simplement que la religion n'efface pas tout le reste.

Si ce régime n'est pas appliqué, c'est qu'il est inapplicable, et donc que la loi doit être renforcée. Cela ne signifie pas que les fourgons de la DPJ doivent débarquer dans les écoles. Seulement que la menace doit devenir assez sérieuse pour forcer un réel dialogue avec la communauté et les parents. Car ils sont les premiers responsables.

C'est un peu l'inverse des pensionnats autochtones qui se produit, à plus petite échelle. Au XIXe siècle, l'État arrachait ces enfants à leur culture pour « tuer l'Indien » en eux. Cette fois, ce sont plutôt les parents qui isolent leur enfant de la société pour tuer les possibles en lui.

La requête déposée en Cour supérieure a le mérite d'en rappeler les conséquences. Ces écoles endoctrinent plus qu'elles n'enseignent. On y fabrique de véritables naufragés, jetés dans la vie sans repères.

Le tolérer n'a rien de raisonnable.

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