Le Fonds vert justifie à lui seul de déchirer quelques caisses de chemises. Cette excellente idée, Québec ne cesse de la décrédibiliser à cause de son incompétence.

Les années passent et les rapports du vérificateur général se ressemblent. Il y en a eu trois depuis 2012 et les mêmes constats reviennent : sélection arbitraire des projets, suivi déficient, résultats invérifiables, gaspillage réussi.

C'est d'autant plus choquant que le Fonds vert était déjà difficile à vendre à la population.

Ce fonds est alimenté par les recettes de la taxe sur l'essence et du marché du carbone. L'argent sert à financer les mesures de réduction d'émissions de gaz à effet de serre (GES) ou d'adaptation aux changements climatiques. Bien sûr, les automobilistes et entreprises peuvent s'indigner de cette T-A-X-E. Mais en théorie, cela ne fait que corriger une iniquité en compensant pour les coûts de la pollution qu'ils refilent à la société.

Malheureusement, la théorie s'est perdue quelque part dans les hauteurs de la tour du ministère des Transports. Pour ces alchimistes, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se détourne... C'est ainsi que le Fonds vert est utilisé pour réduire les intérêts de la dette des travaux routiers ! Selon Le Journal de Québec, près de 620 millions du Fonds seront utilisés à cette fin d'ici 2020.

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Le Fonds a servi à octroyer 800 000 dollars à Air Canada pour installer des ailettes sur des Boeing 767, et six millions à Énergie Valero pour construire un oléoduc entre Québec et Montréal. Ce genre d'investissements soulève deux préoccupations. Le manque de suivi empêche de bien évaluer la réduction de GES. Et même si les GES baissent, on peut se demander si l'État devrait payer pour ces sociétés.

Mais grâce au ministère des Transports, une nouvelle étape a été franchie. L'investissement n'est plus seulement inefficace ou inéquitable. Il devient carrément nuisible, car il encourage notre principale source de GES : le transport routier.

Alors que les émissions des entreprises ont diminué depuis une décennie, celles du transport ont bondi. Or, on détourne le Fonds vert pour stimuler l'utilisation des autos. Et donc, pour aggraver le problème qu'on prétend régler.

Nous avons souvent défendu la taxe sur l'essence, et même la nécessité de la hausser. Cela demeure plus que jamais pertinent pour l'économie et l'environnement. Tout comme le Fonds vert. Mais tant qu'il sera mal géré, les automobilistes auront raison de se plaindre. Devant l'incompétence en série, le scepticisme n'est qu'une forme d'autodéfense.

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La semaine dernière, le ministre de l'Environnement a annoncé une vaste réforme de la gouvernance du Fonds vert. Il sera géré par un conseil d'administration de neuf membres. Chaque projet sera évalué, du dépôt jusqu'à sa réalisation, sous la supervision du Contrôleur des finances.

C'est bien sûr une excellente nouvelle. D'autant plus que plus de trois milliards s'accumuleront dans le Fonds d'ici 2020. Il n'est donc pas trop tard pour rétablir le lien de confiance.

Par contre, il faudra une transparence complète. Et aussi une réorientation stratégique qui passera par des investissements en transports collectifs.

Certes, en termes de réduction de GES par dollar investi, les transports collectifs n'offrent pas toujours le meilleur rapport coût-bénéfice. Mais ils réduisent la congestion, débloquent l'économie et améliorent la qualité de vie. Et ils serviront à attirer les automobilistes, qui, entre deux coups de bâton, méritent une carotte. La crédibilité du Fonds vert en dépend.

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