Il y a plus de foi que de stratégie dans les nouvelles cibles d'immigration du gouvernement Couillard.

Dimanche dernier, le premier ministre annonçait que le Québec accueillerait plus d'immigrants. Combien ? Il ne le précise pas. Reste que ce serait, selon lui, une « nécessité » pour combler les besoins en main-d'oeuvre et ralentir le vieillissement de la population.

M. Couillard devrait relire le document de consultation du ministère de l'Immigration publié l'hiver dernier. Il contredit son analyse.

La thèse d'une importante pénurie de main-d'oeuvre y est remise en question*. Et si elle se confirme, il n'est pas certain que l'immigration soit le remède, car son effet économique est difficile à mesurer. Il est « possiblement positif, mais faible », y lit-on.

L'impact serait aussi modeste sur le vieillissement de la population. Depuis 2010, Québec accueille en moyenne 52 000 immigrants par année. Selon le Ministère, ce n'est qu'à partir de 60 000 qu'on commencerait à rajeunir la population.

Mais ce gain reste théorique. Pour qu'il se concrétise, il faudrait intégrer ce nombre record de nouveaux arrivants. En les francisant, puis en leur trouvant un emploi.

Or, Québec peine déjà à les intégrer. Par exemple, en 2011, le taux de chômage des immigrants de minorités visibles s'élevait à 13,2 %, contre 6,4 % pour la population « native ». Les raisons sont complexes : diplôme insuffisant ou non reconnu, discrimination, accès insuffisant aux cours de francisation et bilinguisme parfois exigé au travail.

Comment réglera-t-on ces problèmes tout en augmentant le nombre de dossiers à traiter ? Le gouvernement Couillard répond seulement à moitié. On sait comment il procéderait en amont. La sélection des immigrants serait réformée. L'approche actuelle du « premier arrivé, premier servi » est un échec, car elle provoque un goulot d'étranglement qui décourage les meilleurs candidats. La ministre de l'Immigration, Mme Weil, veut présélectionner les dossiers qui correspondent le mieux au marché de l'emploi. Elle promet aussi de lutter contre les discriminations.

C'est une excellente idée, mais cela ne suffira pas. Comme Québec sélectionnerait davantage les immigrants en fonction de leur diplôme, ceux-ci risquent d'être moins francophones. Le besoin de francisation croîtra, alors qu'on ne répond même pas à la demande actuelle. Certes, depuis 2011, les allophones adoptent plus le français que l'anglais. Mais le tiers d'entre eux ne suit toujours pas de cours de francisation.

Pourtant, il serait possible d'améliorer les services d'intégration. Une source de financement stable existe : l'entente avec le fédéral, qui assure une enveloppe bonifiée chaque année. En 2014-2015, elle s'est élevée à 340,6 millions de dollars. Soit plus que ce qui a été dépensé...

À moins d'un sérieux coup de barre, hausser le seuil d'immigration ne réalisera pas les souhaits de M. Couillard. Il n'est pas trop tard pour retourner à la table à dessin.

* No Shortage of Opportunity, une étude sur l'immigration et les besoins en main-d'oeuvre, publiée par l'Institut de recherche en politiques publiques.

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