L'incohérence est une chose avec laquelle on s'accommode plutôt bien.

Un chien maltraité ? Le coeur nous serre. Un porc enfermé dans une cage de gestation ? On préfère économiser sur la viande, sans savoir ce que cela nécessite. Près du ventre, loin du coeur...

Pourtant, les deux animaux partagent la même capacité de souffrir. C'est ce critère objectif qui devrait guider nos jugements. Et il risque enfin d'apparaître sur papier, grâce au nouveau projet de loi du ministre de l'Agriculture, Pierre Paradis.

À l'heure actuelle, les animaux ont le même statut juridique qu'une tondeuse, celui de « bien meuble ». Des militants animalistes voudraient leur reconnaître des droits. Or, cela poserait d'immenses problèmes pratiques (démanteler notre régime de propriété) et philosophiques (accorder un droit à un groupe incapable de le revendiquer ou le concevoir).

En attendant que les poules prennent la Bastille, il est plus sage de créer une sous-catégorie de biens, celle des « biens sensibles ».

Et d'interpréter cette sensibilité en fonction des « impératifs biologiques » de chaque espèce. Ces critères, qui existent déjà en France, Allemagne, Suisse et Autriche, fonderont la nouvelle loi. Le Québec, classé pire province canadienne par l'Animal Defense Legal Fund, deviendrait ainsi un modèle.

La sensibilité et les impératifs biologiques ne seront pas évalués de façon uniforme. Les animaux seront classés en deux catégories : de compagnie et domestique (d'élevage).

L'application sera plus stricte pour la première catégorie. Par exemple, des normes sévères régiront les usines à chiots, dont les conditions parfois scabreuses ont été médiatisées. Des amendes seront aussi imposées aux propriétaires qui abandonnent leur animal lors d'un déménagement.

Pour les animaux domestiques, la loi limiterait la souffrance à l'intérieur du système d'élevage, de la naissance à l'abattage. C'est autant un coup de pied qu'un coup de pouce aux producteurs. Ils subissent des pressions des consommateurs et des importateurs européens pour mieux traiter leurs bêtes, comme le prévenait déjà le rapport Pronovost en 2008.

L'industrie s'est depuis dotée de normes volontaires, qui exigent par exemple de ne pas amputer la queue des bovins ou d'agrandir les enclos. Mais des fermes familiales manquent d'argent pour y adhérer, tandis que de gros producteurs manquent d'intérêt. Québec les forcerait à s'y conformer, avec un échéancier adapté aux défis de chaque secteur.

Pas besoin non plus de céder aux arguments des animalistes pour défendre les bêtes.

On peut d'une part reconnaître que l'humain et le singe partagent un ancêtre, et qu'il y a continuité dans la capacité de souffrance de ces animaux. Et admettre d'autre part qu'en s'arrachant à son histoire naturelle, l'humain forme une race tout à fait distincte, ce qui lui confère d'autres droits et devoirs. C'est ce qui fait sa supériorité.

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