Denis Coderre ne vend pas que du rêve, il le marchande contre le pardon. Au nom de la ville, le maire de Montréal dit avoir «honte» de l'échec en 2006 du projet de casino de Loto-Québec avec le Cirque du Soleil. Pour «replacer ça», il propose à Guy Laliberté de développer sur l'île Sainte-Hélène sa nouvelle entreprise Pangéa, qui redéfinirait les rites funéraires.

Peut-être s'agit-il d'un projet visionnaire, que les Montréalais regretteraient d'avoir boudé. Peut-être n'est-ce que du gruau nouvel-âgeux. Très peu de détails ont filtré. Il est encore trop tôt pour se prononcer.

Une chose paraît claire, toutefois. Un parc ne constitue pas un prix de consolation pour milliardaire froissé. Surtout quand l'affront s'appuie sur une version révisée de l'histoire.

Une décennie plus tard, il est facile de réinterpréter l'échec du casino au bassin Peel. Selon M. Coderre, le débat opposait le développement économique au syndrome du «pas dans ma cour». Et son prédécesseur Gérald Tremblay aurait laissé pourrir le conflit.

L'histoire est plus complexe. Certes, de petits groupes de pression voulaient bel et bien bloquer le casino au nom de la santé publique. Mais cela n'a pas suffi à le faire dérailler. D'autres critiquaient aussi la viabilité financière du projet de 1,2 milliard, financé à 85% par Loto-Québec. Le gouvernement Charest était déjà frileux lorsque le rapport Coulombe a recommandé en 2006 de modifier le projet. C'est alors que M. Laliberté a choisi d'aller voir ailleurs.

Et même si Montréal était responsable de l'échec, il n'existe pas de processus de dédommagement de gré à gré, au bon vouloir du maire.

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M. Coderre a raison de vouloir améliorer le parc Jean-Drapeau, qui demeure sous-utilisé. Tout comme il a raison de profiter du 375e anniversaire de Montréal pour réaliser des projets. Le maire Doré avait d'ailleurs utilisé le 350e pour laisser plusieurs legs, comme le Biodôme et le musée Pointe-à-Callière.

Les projets ne tomberont pas du ciel. Il faut donc se réjouir que notre hypermaire sollicite les philanthropes et entrepreneurs. Et eux-mêmes peuvent se rassurer que le maire, un redoutable vendeur, se battra jusqu'au bout.

Mais il a malheureusement commencé le combat trop tôt. En point de presse mardi, M. Coderre a brûlé les étapes. Il défendait déjà le projet de Pangéa, même s'il ne peut pas encore préciser en quoi il consistera.

Selon Le Devoir, l'espace commémoratif se déploierait sur 130 000 m2. Ce terrain est à la fois un parc et un site patrimonial. Pour le vendre ou le convertir en espace commercial, il faudrait changer le zonage et le plan d'urbanisme. En vertu des règlements, différents examens devront être réalisés, notamment par l'Office de consultation publique. Au terme du processus, le conseil municipal devra trancher. Le problème, c'est que le maire semble avoir déjà écrit sa conclusion.

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