Le chiffre est « choquant », avoue le Fonds monétaire international (FMI). Les subventions mondiales aux énergies fossiles s'élèveront cette année à plus de 5300 milliards. Soit probablement un peu plus que les dépenses en santé.

Mais avant d'ouvrir la fenêtre pour crier dans un langage biblique, il faudrait savoir à qui se plaindre. Le coupable n'est pas celui qu'on imagine. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ces « subventions » ne vont pas en majorité aux pétrolières et autres producteurs d'énergies fossiles. Elles profitent plutôt aux consommateurs.

Les subventions se classent en deux catégories. Celles à l'offre, par des exemptions fiscales et autres avantages consentis aux producteurs. Et celles à la demande, par un rabais indirect accordé aux consommateurs. Cette catégorie est huit fois plus élevée que la première.

Le marché de l'énergie, on le constate, est déréglé par une énorme défaillance. Ceux qui se chauffent au charbon ou se déplacent grâce au pétrole ne paient pas pour leur pollution. Ils refilent ce coût au reste de la société, dans une version enfumée de « Donnez au suivant ». Cette facture est devenue immense.

La moitié des coûts de cette pollution découle des maladies liées à la pollution de l'air. Elle expliquerait plus de trois millions de morts prématurées par année, calcule l'Organisation mondiale de la Santé. Un autre quart de ces coûts résulte des changements climatiques. Et le reste s'explique par d'autres inconvénients, comme la congestion et l'entretien des routes.

Le problème n'est pas réparti de façon égale. Le charbon est le principal responsable des problèmes de santé. Et les Chinois sont les plus touchés.

La chute du prix du pétrole offre une occasion idéale pour taxer les énergies fossiles. Mais l'opération sera sensible, car une telle taxe nuirait d'abord aux pauvres. Un risque que reconnaît d'ailleurs le FMI, sans trop savoir comment y remédier. Ce ne sera pas simple.

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Ces chiffres demeurent des estimations qui s'appuient sur une méthodologie complexe et contestable. Peut-être surestime-t-on le déséquilibre. Mais l'importance de l'étude réside moins dans ses chiffres spectaculaires que dans son recadrage du débat sur les changements climatiques. Il se butait à deux fausses impressions. La première : qu'on doive encaisser une perte à court terme pour en prévenir une plus grande à long terme. Le second : qu'il est plus avantageux pour un État de ne rien faire et laisser les autres décarboniser leur économie.

Certes, réduire les émissions ne se fera pas sans douleur. Mais autant la réponse musclée que le statu quo viennent avec une facture immédiate. Et cette facture est locale. Elle est d'abord refilée à ceux qui vivent près des sources de pollution.

Il ne s'agit donc plus seulement d'équité entre générations ou de justice entre les États. C'est aussi devenu un problème pratique, dont on mesure déjà les conséquences. Il est temps de passer du langage de la morale à celui des intérêts.

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