Le sol est encore obstinément brun à Ottawa, mais les premières fleurs sont apparues hier dans le budget fédéral, prêtes à embellir la marque conservatrice pour la saison préélectorale.

Le budget dégage par contre surtout un parfum de cynisme. Car le gouvernement Harper se vante de régler des problèmes qu'il a créés et promet des cadeaux pour un avenir lointain, tout en mettant des bâtons dans les roues de l'opposition.

Après sept années de déficits, un maigre surplus budgétaire est dégagé. Cet équilibre cache toutefois une nouvelle impuissance. Le ratio des revenus par rapport au PIB n'a jamais été si faible depuis 1966. La capacité d'intervention de l'État s'effrite.

Certes, cela s'explique en partie par des raisons conjoncturelles qui échappent au contrôle d'Ottawa, comme la chute du pétrole. Mais il y a aussi des raisons structurelles. Elles relèvent de choix idéologiques, comme la baisse de la TPS en début de mandat. Et elles relèvent aussi de choix stratégiques, comme ceux confirmés hier. Après six budgets à réduire les dépenses, les conservateurs ont ressorti le chéquier:

- Hausse mensuelle de 60 dollars de la prestation aux familles pour services de garde;

- Fractionnement du revenu pour les couples avec enfants;

- Hausse du plafond de cotisation au CELI, de 5000 à 10 000 dollars

Ces deux premières mesures coûteront à elles seules 4,5 milliards par année. Ce généreux service à la clientèle n'est pas la meilleure mesure de relance économique ni la meilleure politique sociale. Malgré certains correctifs apportés, les plus fortunés en demeureront les principaux gagnants. Le régime fiscal devient plus inégal, et plus complexe.

De plus, malgré l'incertitude liée au prix du pétrole, la provision pour imprévus est réduite cette année à seulement 1 milliard, soit trois fois moins que d'habitude. Il restera ainsi peu de marge de manoeuvre aux néo-démocrates et libéraux pour leur plateforme économique. À moins bien sûr de promettre d'annuler les baisses d'impôts. Et de tomber dans le piège conservateur...

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Les Canadiens vivraient dans un «monde dangereux», s'est alarmé le ministre des Finances. Ce qu'il a proposé hier ne vise qu'à réparer les erreurs de son gouvernement. Et seulement en partie.

Pour protéger le pays, le gouvernement Harper mise sur son controversé projet de loi sur le terrorisme. Les organismes qui surveillent ces policiers et espions étaient déjà sous-financés avant qu'on alourdisse leur charge de travail. On haussera timidement leur budget de 12 millions en cinq ans, sans leur accorder les pouvoirs réclamés pour le partage d'informations. Avec un peu de chance, le déséquilibre ne sera que maintenu.

Quant aux militaires, les conservateurs se vantent de «rétablir» leur budget. Or, ce sont eux qui l'ont réduit depuis quelques années. Et seulement 560 millions seront versés d'ici 2020. Le reste - plus de 11 milliards - viendra donc d'ici... deux élections. Le même calendrier a été réservé à l'essentiel des nouveaux investissements en transport en commun.

Il existe, on le constate, un fossé entre les moyens et les ambitions. À moins que la seule véritable ambition soit de se faire réélire.

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