Le manque d'amour est la plus grande pauvreté, pensait mère Teresa. Mais dans sa fièvre ascétique, elle oubliait un autre genre de misère, qui ne peut être soignée avec du cinéma et de la crème glacée. La pauvreté extrême, celle des humains qui vivent avec moins de 1,25$ par jour.

Bonne nouvelle, elle recule. L'ONU espère maintenant l'éradiquer d'ici 2030. La cible sera atteinte si la tendance se maintient, mais le pari reste loin d'être gagné.

Pour lancer le nouveau millénaire, les membres des Nations unies se sont donné huit objectifs. Le premier: réduire la pauvreté extrême de moitié d'ici 2015. La cible a été atteinte en 2010. Le pourcentage de la population vivant sous ce seuil critique était déjà passé de 34% à 17%.

Maintenir ce rythme sera toutefois ardu. En 2000, bon nombre se situaient tout juste sous le seuil du 1,25$. Une légère amélioration a suffi pour les sortir de cette catégorie. Ce n'est pas le cas de ceux qui y croupissent encore. Un «pauvre extrême» sur quatre survit avec moins de 70 cents par jour.

De plus, la misère ne recule pas de façon uniforme. Les bons résultats s'expliquent surtout par le boom économique de la Chine. La majorité des gens sortis de la pauvreté extrême sont chinois. Les prochains gains devront provenir de l'Inde et de l'Afrique subsaharienne.

Il n'y a pas de recette miracle. Ces pays devront créer des emplois et de la richesse, puis la redistribuer. Un exemple de réussite: la Bolsa Familia du Brésil, une allocation versée aux familles pauvres qui respectent certaines conditions, comme éduquer et vacciner leurs enfants. Elle a permis de libérer plus de 35 millions de Brésiliens de l'indigence.

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Établir une cible précise est nécessaire pour mesurer le progrès. Mais cette cible ne doit pas se transformer en ornière.

Trois problèmes demeurent. D'abord, 1 milliard d'humains ne disposent que de 1,25 à 2$ par jour. Même si elle n'est plus «extrême», l'injustice demeure.

Ensuite, le revenu est un indicateur imparfait de la dignité. Elle dépend aussi de la sécurité et de l'accès à l'eau potable, l'éducation publique et les soins. L'ONU les considère désormais avec son Indice de la pauvreté multidimensionnelle.

Et enfin, les inégalités ne disparaissent pas, elles se mutent. Les inégalités de revenus entre Terriens ont augmenté depuis la révolution industrielle, avant de commencer à réduire à la fin du XXe siècle. Mais à l'intérieur de la majorité des pays, le contraire s'observe. Les inégalités y ont recommencé à augmenter depuis les années 70. Même des ploutocrates s'en sont inquiétés cet hiver au Forum économique mondial de Davos. Comme le rappelait alors le FMI, les 85 personnes les plus riches possèdent désormais autant que la moitié la plus pauvre de la planète. Ça aussi, c'est «extrême».

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