Robert Mugabe n'est pas un partisan de l'autodérision. De retour d'Éthiopie, où il venait d'être nommé président de l'Union africaine (UA), le président du Zimbabwe de 90 ans a chuté dans les marches devant ses partisans. Il a réagi en suspendant 27 gardes et en promettant de confisquer les caméras des médias si jamais un tel incident se reproduisait.

En nommant ce tyran à sa tête, l'UA s'est décrédibilisée. Ses prochaines semonces contre les autocrates et leurs exactions deviendront au mieux ironiques.

Bien sûr, le poste de président de l'UA est plutôt symbolique. Le pouvoir réside surtout dans les mains de la Commission de l'UA. Et M. Mugabe a été choisi un peu par défaut. La présidence rotative de l'UA est confiée tour à tour au leader d'une des cinq régions du continent.

Et M. Mugabe n'est pas le premier tyran à hériter du poste. Il succède au président Abdel Aziz, qui avait pris le pouvoir en Mauritanie par un coup d'État, peu après l'adoption par l'UA d'une charte pour la démocratie. N'empêche qu'il aurait été possible de bloquer M. Mugabe.

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En 1980, M. Mugabe incarnait tous les espoirs de l'Afrique. Pendant que Nelson Mandela croupissait encore en prison, ce frère d'armes, marxiste révolutionnaire, libérait son peuple. La Rhodésie du Sud et son apartheid devenait le Zimbabwe. Mais pour s'accrocher au pouvoir, il s'est retourné contre les siens.

Selon Human Rights Watch, à la suite des élections truquées de 2008, plus de 200 Zimbabwéens ont été tués, et 5000 torturés. L'inflation se chiffrait en millions de pourcent, tellement que la devise locale a dû être abandonnée et remplacée par le dollar américain.

Même si seulement 10 % de la population est analphabète, plus de deux citoyens sur trois vivent sous le seuil de la pauvreté. La politique de confiscation des terres vise officiellement à redonner les moyens de production aux Noirs, mais elle profite surtout aux amis du régime.

La présidence de Mugabe risque de miner les efforts de l'UA pour dissuader quatre dictateurs (RDC, Congo-Brazzaville, Rwanda, Burundi) qui songent à modifier la constitution pour s'accrocher au pouvoir.

Elle n'aidera en rien non plus les efforts pour punir les despotes devant les Chambres africaines extraordinaires des crimes internationaux. C'est ce tribunal qui se penchera sur les exactions de l'ex-dictateur tchadien Hissène Habré. Comme plusieurs autres leaders africains, M. Mugabe ne veut pas que ce tribunal se penche sur les politiciens actuellement en poste...

Le président zimbabwéen utilisera en outre son mandat à l'UA pour légitimer son interminable règne. À une autre époque, il promettait de quitter quand le peuple le souhaiterait. Il veut maintenant quitter quand « Dieu le voudra ». Le problème, c'est qu'il croit maintenant que Dieu, c'est lui.

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