Il est un peu tôt pour pleurer le livre. Malgré le regrettable conflit entre Renaud-Bray et le diffuseur Dimedia, notre industrie du livre ne se porte pas trop mal, et notre littérature va même bien.

Il ne manque que des lecteurs. Mais même en plein blues de l'austérité, ils seront encore plus difficiles à trouver que de l'argent.

Alors que commence le 37e Salon du livre de Montréal, il importe de mesurer le chemin parcouru. Au début des années 70, moins de 2000 livres québécois étaient publiés chaque année. Ce nombre a triplé.

Les livres québécois ne comptent aujourd'hui que pour 15% des titres disponibles, mais 40% des titres vendus. Cela n'inclut toutefois pas les titres numériques. Le livre dématérialisé pénètre plus lentement le Québec que le reste de l'Amérique, mais le virage est inévitable. C'est un écueil pour la littérature nationale, qui risque d'y être moins visible. Québec doit donc modifier rapidement la Loi sur le livre pour y intégrer le numérique.

Quant aux ventes, elles se maintiennent au niveau de 2001. Certes, nos auteurs ne s'enrichissent pas. Leur revenu annuel moyen: 6500 dollars. C'est toutefois un mauvais indicateur de la santé de notre littérature. Les éditeurs sont incapables de prévoir le succès d'un titre. Ils en publient donc plusieurs, avec l'aide de l'État, dans l'espoir d'en trouver un rentable qui financera les autres. Ce modèle a aussi le mérite de multiplier les voix de notre littérature.

Il semble exister un déséquilibre entre l'offre et la demande. Mais ce vocabulaire est inapproprié. Un livre n'est pas une tondeuse. Et pour parler de surproduction, il faudrait savoir quel ouvrage ne mérite pas d'être publié...

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Il faut augmenter la «demande», en développant une culture de lecteurs. Les librairies indépendantes, d'indispensables alliées, ont besoin d'un peu d'oxygène. La ministre de la Culture, Hélène David, dit chercher des solutions. C'est nécessaire. On défend le monopole de la SAQ notamment parce qu'il assure une diversité de l'offre et une qualité de conseils en région. Il serait triste de ne pas souhaiter la même expertise pour les livres.

À l'Éducation, le ministre Bolduc s'intéresse surtout aux structures et à la quincaillerie, avec le coûteux et controversé tableau numérique interactif. Il devrait commencer par défendre deux mesures gratuites: exiger un cours de littérature québécoise dans la formation des futurs professeurs de français. Et s'inspirer de la liste des 150 oeuvres de notre patrimoine littéraire, dressée par l'Union des écrivains du Québec. Les enseignants du secondaire y puiseraient leurs choix, pour assurer un minimum de qualité.

Car la littérature n'est pas seulement un outil pour améliorer le français. C'est aussi un rendez-vous avec une culture commune et une confrontation avec l'ambiguïté des choses. Une résistance contre les certitudes instantanées. C'est essentiel pour dispenser une véritable éducation, la formation des esprits.

Le livre n'a pas besoin de curés ou de pleureuses. Seulement de plaisir contagieux.

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