Le report du déficit zéro au Québec ne mérite pas l'excommunication. Au contraire, l'idée devra être envisagée, mais seulement l'hiver prochain, lors de la préparation du nouveau budget.

Et elle ne serait justifiable qu'à deux conditions. La première: que ce soit nécessaire pour ne pas handicaper la croissance économique. La seconde: que le déficit, sans être éliminé, soit significativement réduit par rapport à celui de l'année précédente. Cela démontrerait aux agences de notation que Québec règle lentement, mais sûrement son déficit structurel.

Hier dans La Presse, François Dupuis, économiste principal du Mouvement Desjardins, remettait en question l'exigence d'équilibrer à tout prix le budget en 2015-2016. Il faudra y renoncer, plaidait-il, si jamais les compressions nécessaires faisaient «trop mal». Ses confrères de la Banque Nationale et de la Banque Laurentienne ne partagent pas cet avis.

Il est trop tôt pour trancher. En ouvrant cette porte maintenant, Québec saboterait son propre travail. Cela enverrait le signal que chaque compression peut être reportée. Or, un ménage est nécessaire. Le niveau des dépenses devient insoutenable. Surtout en santé, où elles augmentent plus vite que la croissance de l'économie, et où le fossé continuera de se creuser avec le choc démographique.

Il est aussi trop tôt pour trancher à cause du manque d'information. C'est seulement à la fin de l'automne que seront terminés trois exercices cruciaux: les rapports des commissions de révision de la fiscalité et de révision des programmes, ainsi que la mise à jour économique du gouvernement. On saura comment le gouvernement libéral fera pour atteindre sa cible en 2014-15, soit de limiter le déficit à 2,35 milliards.

On pourra alors mesurer les efforts requis pour la prochaine étape, soit équilibrer le budget en 2015-16.

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Deux inconnus devront être éclaircis dans cette réflexion. D'abord, l'évolution des revenus. L'effet libéral promis en campagne électorale ne s'est pas concrétisé. Les prévisions de croissance ont même été révisées à la baisse. Et l'impact de la Stratégie maritime et du Plan Nord (plombé par le prix des ressources) prendra du temps à se faire sentir.

On ignore aussi l'impact à venir des compressions, comme les coupes paramétriques de 20% dans les crédits d'impôt. Il n'existe pas d'analyse exhaustive coût-bénéfice pour évaluer le rendement global de ces crédits. Il y a assurément des économies à réaliser. Mais dans certains secteurs, sauvera-t-on un dollar cette année pour en perdre deux l'année prochaine?

L'objectif ne devrait pas être d'atteindre une cible, devenue autant politique qu'économique. C'est de régler à long terme le déficit structurel, pour protéger la capacité de Québec de faire des choix. Cela ne passe pas par le démantèlement.

L'autre inconnu, c'est l'impact sur la cote de crédit. Reporter le déficit zéro ne mènerait pas forcément à une coûteuse décote. Québec pourrait plaider sa cause, comme l'ont fait d'autres provinces canadiennes, à condition de démontrer que la croissance des dépenses diminue.

Après deux années à reporter le déficit zéro et rater la cible, il faudra par contre avancer dans la bonne direction. L'échec ne peut pas devenir le nouveau modèle québécois.

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