Malgré les amendements présentés cette semaine, le projet de loi conservateur sur la prostitution pêche encore par manque de transparence et par une goutte d'idéologie de trop.

On peut juger que la prostitution est en soi avilissante. Cette position se défend au moins autant que celle, relativiste, voulant que deux adultes devraient pouvoir consentir à une relation monnayée. Mais le texte de la loi ne doit pas se limiter à une posture morale. Il doit s'assurer, aussi, que ses conséquences correspondent aux principes défendus. Le gouvernement conservateur échoue à ce test à cause d'un volet secondaire de sa loi : sa criminalisation des prostituées qui travaillent près des écoles ou d'un terrain de jeu.

Rappelons que la prostitution n'est pas illégale. Des dispositions du Code criminel visent toutefois à la baliser. Le plus haut tribunal du pays a invalidé celles qui criminalisent le proxénétisme, la sollicitation de services et la tenue d'une maison de débauche. Selon la Cour, ces dispositions mettent en danger les prostituées, à un point tel que cela viole leur droit à la vie et à la sécurité. La loi devra donc être modifiée d'ici la fin de l'année.

Le gouvernement conservateur ne s'est pas contenté d'ajuster la loi pour répondre aux demandes de la Cour. Il changera aussi l'objectif de la loi - ce qui est tout à fait sa prérogative. Le nouveau but : combattre la prostitution. Le moyen : s'attaquer à la demande en criminalisant le client.

Mais réussira-t-on à atteindre ce nouvel objectif en même temps que ce qu'exige la Cour ? Difficile de trancher. La réponse dépend de conséquences incertaines. Pour le savoir, il faudrait publier un bilan des effets de la loi. Or, c'est que les conservateurs refusent de s'y engager, à part une révision dans cinq ans. Pourtant, la loi risque d'être contestée. Ottawa devra alors de toute façon présenter de telles données devant les tribunaux.

Autre irritant : si on juge que la prostitution doit être éradiquée, on dépensera peu (20 millions en cinq ans) pour s'attaquer à la racine du problème.

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La nouvelle loi s'attaque aussi un peu à l'offre. On criminalisera les prostituées si elles sollicitent des clients près d'une école, d'une garderie ou d'un terrain de jeu. C'est ici que la loi ressemble à une posture morale. On ne comprend pas quel problème pressant cet article règlerait. Ce n'est pas devant les écoles ou les garderies, quand les enfants jouent, que travaillent habituellement les prostituées. Et cet article pourrait être appliqué de façon discrétionnaire.

On risquerait alors d'empêcher les prostituées de se protéger en filtrant leurs clients, ce qui contrevient aux exigences de la Cour suprême. Et on s'attaquera à celles qui, selon la logique du projet de loi, sont des victimes.

Ce volet de la loi semble plutôt conçu pour affirmer haut et fort que la prostitution est immorale, et que les enfants ne doivent donc pas y être exposés. Mais en voulant utiliser la loi pour envoyer des messages à sa clientèle, le gouvernement conservateur nuira parfois à ceux qu'il prétend vouloir aider.

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