Le dossier de l'uranium est devenu toxique. Même si Guy Hébert, le patron de la minière Ressources Strateco, s'en dit victime, il n'a rien fait pour s'aider en attaquant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

L'étude du BAPE sur l'uranium vient à peine de commencer. M. Hébert s'est déjà adressé aux tribunaux pour y mettre fin, en plus de demander la tête de son président, Louis-Gilles Francoeur, présumé coupable de partialité à cause de son ancien travail de reporter environnemental pour Le Devoir.

Le geste ressemble surtout à une manoeuvre politique. L'assemblée annuelle des actionnaires de Strateco se déroule aujourd'hui. M. Hébert n'y sera pas guilleret, et on le comprend.

Sa société junior est presque entièrement consacrée au projet Matoush, une mine d'uranium dans le nord du Québec, en territoire cri. Plus de 125 millions de dollars ont déjà été investis pour explorer ce gisement très concentré.

En 2011 et 2012, au terme de consultations publiques, le projet a obtenu le feu vert du COMEX (l'équivalent du BAPE dans le territoire de la Baie-James) puis de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

Mais lors de la campagne électorale de 2012, le Parti québécois a ajouté une nouvelle condition : une étude du BAPE non pas sur le projet Matoush, mais plutôt sur l'ensemble de la filière uranifère. Le projet de Strateco reste toutefois le seul à grand volume qui existe actuellement au Québec.

Après avoir laissé planer l'incertitude, la décision de lancer l'étude du BAPE a été prise en mars 2013. Et c'est seulement ce printemps que les travaux ont commencé.

Pendant ce temps, le titre boursier de Strateco a piqué du nez. La minière junior lutte maintenant pour sa survie. On comprend sa frustration. Les projets miniers nécessitent souvent des centaines de millions d'investissements, et il faut attendre plusieurs années avant d'engranger des profits. Dans ce contexte, les louvoiements politiques sont particulièrement dommageables.

Strateco répète qu'elle a déjà passé l'évaluation environnementale du COMEX. Mais cette approbation était conditionnelle à une entente avec les Cris de Mistissini. Or, leurs relations se sont détériorées, et la dernière salve contre l'intégrité du BAPE n'améliorera pas les choses. Il ne faudrait pas que les micros se transforment en crachoirs durant les consultations. Même si c'est très mal parti, une entente n'est pas impossible, comme le prouve celle qu'ont signée les Cris et la minière BlackRock pour l'exploitation d'un gisement de fer et de titane.

Le BAPE doit remettre au printemps 2015 son rapport sur la filière uranifère. Comme celles du COMEX, ses recommandations ne seront pas exécutoires. Peu importe sa décision, il sera souhaitable que le gouvernement Couillard tranche rapidement. Mais pour cela, il aura besoin d'aide.

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