Ça ressemble au film Le Jour de la marmotte. À l'approche d'août, Serge Losique revient inlassablement dans l'actualité. Chaque fois, le président du Festival des films du monde (FFM) rejoue la même cassette : il se défend sur la place publique, en accusant tout le monde d'avoir tort... sauf lui.

Cette semaine, on a appris qu'Hydro-Québec a coupé l'alimentation électrique de l'Impérial, un lieu classé monument historique par le gouvernement du Québec. Rappelons que l'immeuble, propriété de Serge Losique et de son fils, par l'entremise d'un organisme à but non lucratif, a été hypothéqué deux fois pour renflouer les caisses du FFM.

Le sort du Cinéma Impérial, niché au coeur du Quartier des spectacles, inquiète plusieurs acteurs du milieu culturel. Avec raison.

On savait l'Impérial sous-utilisé - outre le FFM qui y a aussi ses bureaux, la seule manifestation d'envergure dans la salle est Cinémania, en novembre. Voilà qu'on s'interroge sur l'état des lieux. Hier, le directeur de l'Impérial, François Beaudry-Losique, a tenté de nous rassurer. Ce n'est pas la première fois qu'Hydro-Québec coupe l'électricité de la salle ! « Vous savez, un OSBL ne roule pas sur l'or. On a des hauts et des bas », a-t-il expliqué, sans savoir quand on rebranchera le courant.

DÉNI ET AVEUGLEMENT

De son côté, Serge Losique affirme que la 41e édition du FFM aura lieu du 24 août au 4 septembre à l'Impérial... ou ailleurs ! Rappelons que la salle de la rue De Bleury est menacée de saisie par deux prêteurs privés qui ont, en 2015, avancé 3,6 millions (plus intérêts) au président du FFM. Ces créanciers n'ont toujours pas été remboursés. Ils demandent à la cour de les déclarer propriétaires de l'Impérial, ainsi que du domaine appartenant à Serge Losique en Estrie.

Les déboires du fondateur du FFM ressembleraient à une farce, si ce n'était du caractère du personnage.

Depuis près de 20 ans, le sauvetage de ce festival, devenu l'ombre de lui-même, a mobilisé trop de temps, d'argent et d'énergie. Même des mécènes et des gens d'affaires ont tenté de sauver le navire et son vieux capitaine. Pour en arriver où ? Le voir perdre la plus belle salle de cinéma au Canada, le dernier « palace » des cinéphiles au pays. Ô tristesse !

Bien sûr, l'Impérial est protégé par la Loi sur le patrimoine culturel. À Québec, l'attaché de presse du ministère de la Culture et des Communications, Karl Filion, nous assure qu'il est impossible de transformer ou modifier un bâtiment patrimonial. Tout changement esthétique, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, doit être approuvé par le Ministère. Le propriétaire est tenu par la loi de respecter l'intégrité physique du lieu (voir encadré ci-contre). 

Toutefois, on craint que l'Impérial ne soit pas une priorité dans l'écran radar du Ministère de la Culture. Si le passé est garant de l'avenir, l'Impérial risque d'être laissé à lui-même et ses fantômes.

APRÈS LA CHUTE

Dans une culture jeune comme celle du Québec, il n'est pas rare de voir un président s'accrocher à la barre de l'institution qu'il a construite, après y avoir consacré sa vie. On comprend qu'il est difficile pour un fondateur de passer la main. Or, par aveuglément, entêtement et vanité, M. Losique va sombrer avec son entreprise.

Pire, sa chute risque de faire tomber dans l'oubli une salle de cinéma centenaire, un joyau culturel qui n'a pas le rayonnement qu'il devrait avoir.

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