« Je suis amoureux... de Michel Louvain ! » chantait la foule rassemblée sur la place d'Youville à Québec, la semaine dernière, pour célébrer le 80e anniversaire du chanteur. Sur la scène, ce dernier sautait de bonheur, tel un débutant savourant son nouveau succès.

Et pourtant, la reconnaissance du public lui colle à la peau depuis 60 ans déjà. Michel Louvain fait partie des personnalités québécoises qui restent dans l'actualité, au fil des décennies, malgré le temps, les modes et les insuccès. Comme Dominique Michel ou Clémence, Louvain reste lui-même, résiste aux courants des diktats.

Ces artistes ne sont pas bénis des dieux. Ils gardent toujours le cap vers l'avant, et s'assument même lorsqu'ils se trompent, même dans leurs périodes creuses.

Voilà pourquoi le public les respecte et les aime inconditionnellement.

À une époque marquée par l'éphémère, où l'on peut « devenir connu » sans avoir de vécu et triompher sans gloire, qu'il est rassurant d'avoir de tels modèles qui transgressent les générations ! Des personnalités dont la popularité est durable, voire éternelle.

Dans L'odyssée, le poète grec Homère dit que pour passer à travers les écueils et les difficultés de la vie, il faut trois choses : du temps, de la ruse et de la constance. Voici donc six stars artistiques qu'on aime pour leur constance, leur persévérance et leur authenticité.

Michel Louvain

En entrevue dans le dernier numéro de Voir, Michel Louvain explique qu'il est demeuré le même durant toute sa carrière : « C'est cette constance-là qui fait ma force. J'aurai toujours un veston et je serai toujours coiffé pareil. »

Si aujourd'hui, l'interprète de La dame en bleu a le respect de tout le monde, dans le passé, on ne l'a pas toujours épargné. Dans les années 80, on l'a associé à une culture kitsch, voire quétaine, aux côtés des Michèle Richard de ce monde. Ces artistes populaires duraient pour mieux se faire « démolir » par la jeunesse et l'élite culturelle. « Maintenant, ajoutait Louvain, ces mêmes gens-là viennent me parler et m'invitent à participer à leur show... »

Dominique Michel

La « Petite Canadienne » qui « veillait su'l perron » et chantait dans les cabarets à la fin des années 50 est devenue une icône de la culture québécoise. Une artiste qui a excellé dans tous les domaines : cinéma, télévision, chanson, cabarets humour et variétés. Une intouchable que les Québécois aiment inconditionnellement, quoi qu'elle dise, quoi qu'elle fasse. Lorsqu'on a appris, il y a cinq ans, qu'elle était guérie de son cancer, un soupir de soulagement a traversé le Québec au complet.

Peter Mansbridge

La constance fait partie de la description de tâche d'un chef d'antenne. Leur visage fiable, leur voix rassurante, nous aide à faire passer les tragédies et les mauvaises nouvelles. Le 1er juillet, Peter Mansbridge a mis fin à 50 ans de journalisme quotidien, dont 30 ans à la barre du bulletin d'information de CBC, The National. Si le lecteur de 68 ans a aussi ses détracteurs (John Doyle du Globe and Mail le surnomme le « pasteur Mansbridge »), il est le lecteur de nouvelles le plus connu et respecté du Canada. Le jour de sa retraite officielle, Justin Trudeau est venu lui rendre hommage en ondes. Le premier ministre a remercié le chef d'antenne d'avoir été une « voix solide » pour les Canadiens pendant toutes ces années.

Clémence DesRochers

« Clémence a été la première à s'emparer de sujets graves qui touchent les femmes tout en montrant à celles-ci à en rire », a écrit Mario Girard, en avril dernier, au lendemain de son spectacle d'adieu à Gatineau. Il faut dire qu'au début de sa carrière, dans les années 50, il y avait énormément de tabous à déboulonner au Québec. Clémence les a défaits les uns après les autres. L'auteure a inspiré autant Michel Tremblay que Cathy Gauthier et Lise Dion. Avant toute chose, dans ses monologues et ses chansons, Clémence a joué cette musique bien à elle qui agit comme un baume sur l'âme. Et qui fait qu'on a un peu moins peur de vieillir...

Françoise David

C'est un euphémisme de dire que Françoise David n'a jamais couru après la gloire ou la notoriété. Ces deux fées lui sont tombées dessus à 64 ans. C'est avec sa performance au débat des chefs, lors de la campagne électorale de 2012, que la militante est soudainement sortie de l'anonymat des milieux politiques et communautaires. Or, la députée sortante de Québec solidaire a consacré sa vie publique à la justice sociale et au bien commun. Et elle a gagné la sympathie des Québécois et Québécoises de tous les partis et de toutes les options politiques. Féministe avec le coeur résolument à gauche, l'ex-présidente de la Fédération des femmes du Québec milite depuis plus de 40 ans parce qu'elle « aime le Québec et les gens qui y vivent ». Dans De colère et d'espoir, Mme David a aussi écrit que l'indignation est au centre de son engagement social. « On n'a jamais le droit de se décourager. On finit par marquer des points », aime-t-elle dire en citant l'ex-syndicaliste Madeleine Parent.

Jacques Parizeau

Retiré de la vie publique, Jacques Parizeau allait parfois donner des conférences dans les cégeps. Les jeunes aimaient ce « Monsieur » d'une autre époque, au franc-parler, et au complet trois pièces. Parmi les hommes politiques ayant marqué le Québec, Jacques Parizeau est un cas à part. À la fois grand architecte et fort symbole d'une société qui a pris le virage de la modernité, il est resté fidèle à ses convictions et à ses actions. Par-dessus tout, la souveraineté du Québec, qu'il a défendue durant un demi-siècle, même quand les purs et durs devenaient hésitants et mous. Il avait des ennemis (au Canada anglais, surtout). Or, encore aujourd'hui, deux ans après sa mort, ceux qui le détestent le font avec la même fougue que ceux qui l'admirent !

Après le référendum et la phrase « malheureuse » de son discours de défaite, l'ex-premier ministre n'a pas cherché, malgré l'opprobre, à se justifier ni à nuancer ses propos. Il a assumé sa sortie, constant avec lui-même, jusqu'à la fin.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion