Encore une fois, le procès contre Mike Ward soulève la question des limites à la liberté d'expression. Le Tribunal des droits de la personne jugera, en février prochain, si les blagues de l'humoriste trash ont causé préjudice à Jérémy Gabriel. Or, au lieu de demander où tracer la ligne entre l'acceptable et l'inacceptable, il faudrait poser une autre question : quel est le rôle de l'artiste dans la société ?

Ce n'est pas d'hier que les humoristes s'amusent à tirer l'élastique. À chaque polémique, ils se défendent contre le politiquement correct. Loin de nous l'idée de vouloir ériger une police du bon goût et de la pensée (on laisse ça à la Commission des droits de la personne).

Toutefois, un artiste n'est pas uniquement un fou du roi ni un mercenaire qui tire sur tout ce qui bouge pour épater la galerie.

L'art sert, entre autres, à s'élever au-dessus du quotidien, à éveiller les consciences.

Il n'y a rien de créateur ni de courageux à rire des démunis, des faibles, des vulnérables.

À la radio, jeudi matin, Guy A. Lepage disait qu'on doit remettre le numéro de Ward dans son contexte. Son public est très différent de celui du Bye Bye de Radio-Canada, par exemple. Admettons que le cercle des amateurs d'humour trash ait le droit à la méchanceté gratuite. Mais dans quel but ? Renforcer les préjugés contre une minorité qui souffre d'exclusion ?

Jeudi dernier, Me Julius Grey, qui représente Mike Ward, a dressé un parallèle entre son client et Molière. Dans sa pièce Tartuffe, l'auteur attaque le clergé et son influence sur la cour de France. « La comédie est souvent cruelle et mon client se moque des vaches sacrées de la société, a dit l'avocat. Est-ce que Tartuffe aurait pu poursuivre Molière ? Je pense que non. »

Désolé, maître Grey, mais vous errez ! Faire des blagues sur la « laideur » d'un handicapé n'est pas comparable à s'attaquer au pouvoir religieux omnipotent à l'époque de Louis XIV.

La vérité, c'est que Mike Ward - comme d'autres humoristes - aimerait être à la fois Molière et Louis XIV. Parmi les artistes québécois, les humoristes sont des privilégiés. Ils ont la cote d'amour du public (Mike Ward a vendu plus de 135 000 billets de son avant-dernier spectacle). Ils sont sur plusieurs tribunes : télé, radio, scène, web. Ils ont leur gala, leur académie, leur école, leur festival. Or, aussitôt qu'on critique un humoriste, le milieu crie à la censure, à la rectitude politique, au mépris de l'élite culturelle de gauche.

Avec les privilèges viennent les responsabilités. Sur son site internet, Ward affirme qu'il est « un humoriste respecté qui a aidé à faire évoluer le stand-up au Québec ». En général, l'évolution va de pair avec l'intelligence. Si Mike Ward a un peu de discernement, il devrait s'excuser et passer à une autre blague.

La liberté, c'est aussi de savoir choisir ses combats.

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