C'est une vieille litanie. Au Québec, les artistes se désolent du manque de subventions, des compressions et de leur pauvreté chronique. Toutefois, si le financement public est essentiel pour soutenir la culture, il a ses limites. D'où la nécessité d'aller voir ailleurs.

Depuis 25 ans, les organismes culturels ont développé d'autres sources de financement : commandites, collectes de fonds, soirées-bénéfice, sociofinancement... Mais la culture philanthropique reste méconnue, ou carrément méprisée. Comme si tout financement autre que public était suspect.

Pour être riche, il faut s'intéresser à l'argent. Contrairement aux États-Unis, le Québec n'a pas de grande tradition philanthropique. Son passé catholique y est pour quelque chose. 

Longtemps, on a associé l'argent au péché, à quelque chose de sale qui corrompt les âmes pures. Les communautés juive et anglo-protestante, elles, peuvent amasser des dons en 48 heures.

En 2013, le gouvernement du Québec a confié à un groupe de travail présidé par Pierre Bourgie la tâche d'identifier les causes du retard du Québec dans le domaine de la philanthropie culturelle. Parmi les pistes de solution, le rapport Bourgie a recommandé de soutenir le programme Mécénat Placement Culture, créé en 2005. Un partenariat public-privé (PPP) dont l'objectif est de favoriser la croissance des dons privés. Pour chaque dollar investi dans un OSBL culturel, le gouvernement ajoute 1 $ (jusqu'à 3 $ pour les organismes dont le budget est inférieur à 250 000 $).

Le rapport recommandait de consolider le programme Mécénat Placement Culture à 10 millions par an. En 2014, le gouvernement libéral l'a pérennisé à 5 millions. Mais le programme ne suffit pas à la demande. Les organismes doivent se placer en ligne jusqu'à ce que de nouveaux fonds deviennent disponibles ; le délai d'attente est estimé à 10 mois ou plus.

Mardi dernier, lors d'une conférence sur le mécénat organisée par le Comité Gestion et Culture du Réseau HEC Montréal en collaboration avec la Chaire de gestion des arts de HEC Montréal, Pierre Bourgie a demandé aux organismes culturels de faire preuve de plus d'audace et de créativité pour impliquer les gens d'affaires. Et de miser haut : les hommes d'affaires préfèrent signer un gros chèque plutôt que plusieurs petits.

« Par contre, on ne doit pas seulement leur demander de signer des chèques. Il faut aussi les impliquer dans un projet unique, leur faire briller les yeux », ajoute Bourgie.

Les yeux du philanthrope brillent de braise depuis le 26 septembre 2011, jour de l'inauguration de la salle de musique qui porte le nom de sa famille, au Musée des beaux-arts de Montréal. Avec la création de la Fondation Arte Musica, la salle Bourgie représente le projet philanthropique le plus remarquable des 20 dernières années au Québec. « Non seulement cette implication a donné lieu à la rénovation d'une église au sein d'un complexe muséal, mais elle s'est aussi traduite par un engagement dans les activités régulières d'Arte Musica, une centaine de concerts par saison », a rappelé François Colbert, titulaire de la Chaire de gestion des arts.

Il faut d'autres projets de cette envergure. Or, pour les réaliser, il faudra changer les mentalités des gestionnaires et des créateurs québécois.

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