Comme à chaque campagne électorale, nos politiciens vont tout faire pour essayer d'obtenir le vote d'un noyau dur et fort de la population : la famille, nucléaire avec enfants mineurs de préférence. Les conservateurs ont même pris de l'avance, le mois dernier. Le gouvernement Harper a envoyé des chèques aux parents avec des enfants à charge, après avoir bonifié la Prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE), afin d'inclure ceux âgés de 6 à 17 ans.

Au cours des prochaines semaines, disait-on, tous les partis politiques confondus vont miser sur la fibre familiale des électeurs, à coups de promesses, de publicités et de discours partisans.

Bien sûr, il faut aider les parents qui peinent à joindre les deux bouts. Évidemment, la conciliation travail-famille est une préoccupation quotidienne chez plusieurs couples.

Or, si la famille est la base des sociétés, elle ne forme pas son unique reflet. Que fait-on des célibataires, des couples sans enfants, des personnes âgées, des adultes dont la progéniture a quitté le foyer ?

Pourquoi, en période électorale, ces hommes et ces femmes comptent-ils si peu et sont-ils presque toujours absents des discours ?

Pourtant, ces derniers paient beaucoup d'impôts (car ils n'ont pas d'enfants à charge) et de taxes, incluant la taxe scolaire.

Cela s'observe également en dehors des élections. Par exemple, en matière d'urbanisme, chaque fois que les élus municipaux lancent un projet de développement immobilier, fût-il en plein centre-ville, on ressort systématiquement la priorité familiale : il faut penser aux enfants, construire des écoles, des parcs, etc. Rarement les entend-on parler de la qualité de vie des célibataires, des couples professionnels, des retraités. Comme si ces derniers n'étaient pas aussi obligés de se loger !

Les politiciens n'ont rien inventé. Trop souvent, la population porte un regard condescendant sur les hommes et les femmes qui n'ont pas de descendance. Par choix ou par la force des choses. Comme si le désir de parentalité leur donnait une absolution inconditionnelle et qu'une personne ne pouvait pas créer sans procréer. Il y a une énorme contradiction dans le discours social qui, d'un côté, prône la diversité et, de l'autre, favorise le modèle de la famille traditionnelle tissée serré.

Pourtant, l'Histoire nous enseigne qu'il faut se méfier des dirigeants qui instrumentalisent la famille à leurs propres fins. Du « Travail, Famille, Patrie », du régime de Vichy aux « Family Values » de l'ère Reagan aux États-Unis, toutes proportions gardées, l'éloge de la famille a souvent une saveur réactionnaire.

Il y a un siècle, André Gide écrivait dans ses Nourritures terrestres : « Familles, je vous hais ! Foyers clos ; portes refermées ; possessions jalouses du bonheur. » Pauvre Gide, il avait oublié que personne ne naît dans une feuille de chou ; qu'on fait tous, un jour ou l'autre, partie d'une famille.

Toutefois, les célibataires endurcis peuvent comprendre sa frustration. À force d'entendre les aspirants députés répéter « qu'il faut redonner l'argent aux familles canadiennes », les non-parents ont parfois l'impression d'être exclus de la Cité.

Hors de la vie de famille, point de salut ?

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