Au lendemain des élections québécoises, voici cinq constats à tirer des résultats.

Et la question de l'urne fut...

Dans l'bon vieux temps, ce n'était pas compliqué : la question de l'urne finissait toujours par tourner autour de l'enjeu constitutionnel. Pour le Oui ou pour le Non ? Mais pour ces élections-ci, la question de l'urne était à écrire.

Philippe Couillard aurait aimé que ce soit la crédibilité des chefs : « À qui est-ce que je fais le plus confiance ? » François Legault voulait plutôt ramener ça à un référendum sur les « 15 années au pouvoir des libéraux ».

Mais une fois dans l'isoloir, les électeurs se seront plutôt posé une question toute simple : « Voulez-vous passer à autre chose après 40 ans d'alternance entre le PQ et le PLQ ? »

Tout près de 60 % des gens qui ont voté ont appuyé d'autres formations que les deux partis qui s'échangeaient le pouvoir depuis 1970. La ligne de fracture n'était donc pas entre la gauche et la droite, ou entre multiculturalistes et nationalistes, mais plutôt entre vieux et nouveaux partis.

Un deuxième mandat ? Juste non.

Dure, dure, la vie de gouvernement sortant. Un peu partout en Occident, il semble de plus en plus difficile pour les chefs de parti de convaincre les électeurs de leur accorder un deuxième mandat.

En France, pensons à Nicolas Sarkozy et à François Hollande. Au Canada, pensons à Kathleen Wynne en Ontario et à Darrell Dexter en Nouvelle-Écosse. Et plus près de nous, pensons bien sûr à Denis Coderre, qui s'est fait remercier aussi rapidement que Philippe Couillard.

Est-ce le « syndrome du sortant » (incumbent syndrome), comme l'a appelé ce dernier ? C'était tout de même la première fois en 50 ans qu'un gouvernement majoritaire n'était pas réélu au Québec.

Une menace à Justin Trudeau ?

Le gagnant des élections : l'individualisme

Le cynisme et le désintérêt expliquent en partie le taux de participation famélique qu'on a observé lundi (66,46 %), en baisse de près de 5 % depuis 2014 (71,44 %). Mais l'individualisme est aussi un facteur à considérer, surtout chez les plus jeunes, prompts à se demander si leur vote comptera vraiment.

Cela dit, l'issue du vote est aussi un indice de l'individualisme croissant au Québec. Dans son livre La Coalition avenir Québec, une idéologie à la recherche du pouvoir, le professeur Frédéric Boily montre bien la tendance de ce parti à mettre « l'accent sur le volontarisme des Québécois, donc sur les individus plutôt que sur un projet collectif ». Il cite par exemple le « ninisme constitutionnel » de la CAQ, qui ne mise ni sur la souveraineté ni sur le fédéralisme, mais bien sur la volonté des Québécois, pris individuellement, de rompre avec l'immobilisme. L'obsession de François Legault pour le « portefeuille » des électeurs, ainsi ramenés à de simples contribuables, en est une manifestation de plus.

Oh non ! Montréal ne l'aura pas facile

Certains commentateurs ont vu dans les résultats de lundi soir une revanche des francophones, qui auraient repris le contrôle du Québec. Passons sur le populisme identitaire sur lequel se fonde cette remarque, et notons que les francophones appuyaient pourtant le PLQ dans les mêmes proportions que le PQ et que Québec solidaire, selon les sondages.

S'il y a eu revanche lundi soir, il faudrait plutôt voir celle des régions et des banlieues, qui ont effectivement appuyé la CAQ en grand nombre. La métropole, qui a misé sur le PLQ et QS, se retrouve ainsi isolée, avec à peine deux députés au sein du gouvernement. Une cassure ville-région et urbain-suburbain comme on en observe un peu partout ces temps-ci.

Résultat : les prochaines années s'annoncent plutôt difficiles pour Montréal, et pas juste pour le projet de ligne rose...

Oui, il y a eu prime à l'urne

L'ancien premier ministre Robert Bourassa avait raison : la prime à l'urne existe bel et bien. Seulement, cette fois, ce n'est pas le PLQ qui en a profité.

Les sondages sous-évaluent habituellement l'appui aux libéraux, pour qui les électeurs n'avouent pas toujours voter lorsqu'ils reçoivent l'appel du sondeur. Mais cette année, le parti pour lequel les électeurs étaient moins enclins à afficher leurs couleurs, c'était la CAQ, en raison possiblement de ses positions sur l'identité. Dire publiquement qu'on est pour une réduction des seuils d'immigration, c'est plus difficile que de mettre un X à côté de la CAQ dans l'isoloir.

On a peut-être là un des multiples facteurs qui expliquent la piètre performance des maisons de sondage...

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