On en était venu à penser qu'il n'y avait rien à son épreuve. Donald Trump pouvait bien dire les pires obscénités, il pouvait poser les gestes les plus consternants, il pouvait même flirter avec la haine et le racisme, l'appui quasi nord-coréen de ses alliés et partisans ne semblait jamais vouloir fléchir.

« Je pourrais tirer sur quelqu'un en pleine 5e Avenue, et je ne perdrais aucun électeur », s'était d'ailleurs vanté le candidat à la présidentielle avant sa victoire, en étant (pour une rare fois) proche de la vérité.

Or bonne nouvelle ! Les derniers jours nous ont appris qu'il existe bel et bien une ligne à ne pas franchir, même pour Donald Trump. Une ligne rouge qu'ont tracée au sol certains de ses partisans cette semaine.

La performance de Trump aux côtés de Vladimir Poutine à Helsinki était « embarrassante », selon l'habituellement fidèle Wall Street Journal. Elle était « dégoûtante » aux yeux de l'animateur de Fox Business, Neil Cavuto. C'était même « la pire erreur de sa présidence », si l'on se fie à Newt Gingrich, qui vient de publier un livre élogieux titré Understanding Trump.

Ah ! C'est donc dire que les alliés du président ne sont pas aussi désensibilisés qu'on le croyait. Les soldats de la propagande trumpienne ne sont pas prêts à TOUT accepter sans broncher. Et la peur des élus républicains de perdre les élections de mi-mandat ne l'emporte pas encore sur toute morale.

En effet, les propos de Trump ont été dénoncés, à des degrés divers, autant par le président de la Chambre des représentants Paul Ryan que par le sénateur Lindsey Graham et le président de la commission des Affaires étrangères Bob Corker.

Enfin, donc, les dénonciations viennent du camp républicain, et de manière plus franche et vigoureuse encore que celles qui avaient suivi la politique de séparation des parents et enfants migrants. 

On commençait à en douter sérieusement après l'apathie qui a suivi le fameux « grab them by the pussy », l'attaque vicieuse du président contre la famille d'un militaire décoré ou pire, ses propos affligeants suivant les incidents racistes de Charlottesville.

Un vaste sondage mené par le Pew Research en début d'année montrait en effet que malgré tout cela, au sein de ses partisans républicains les plus fidèles, Trump obtenait un taux d'approbation de 93 % ! À faire rougir d'envie Vladimir Poutine...

Or justement, la gestion du sommet d'Helsinki n'a reçu la faveur que de 68 % des républicains. Cela peut paraître élevé, mais c'est faible selon le « standard Trump ». Surtout en comparaison avec l'appui indéfectible dont il jouissait jusqu'ici au sein de sa base. La bonne nouvelle, c'est donc qu'un tiers de ses partisans soient capables de sens critique par rapport à ce président téflon.

Il faut en effet se souvenir qu'en octobre dernier, un rare républicain était sorti des rangs en publiant une lettre au titre évocateur : « Enough ». C'est assez ! Le sénateur républicain Jeff Flake enjoignait aux électeurs de s'élever contre l'administration Trump en raison de ses mensonges, des insultes lancées à tout vent et de sa complaisance envers les manifestants suprémacistes de Charlottesville.

« Nous ne pouvons plus garder le silence et nous contenter d'observer le déraillement de ce train, passivement, comme si nous attendions l'intervention de quelqu'un d'autre. Plus nous attendons, plus grands seront les dégâts, plus l'Histoire nous jugera durement. »

- Extrait de la lettre « Enough » du sénateur républicain Jeff Flake

Or son cri du coeur avait été accueilli par des sons de criquet. Pire, de nombreux républicains s'étaient déchaînés contre le déloyal Flake.

Cette fois, même si la plupart des partisans du président lui restent fidèles, plusieurs osent enfin la critique ouverte. Soit parce que Trump s'est rapproché dangereusement d'un pays qu'une grande majorité d'Américains perçoit négativement. Soit parce qu'ils sont choqués par l'équivalence morale tracée entre la Russie et les services de renseignement américains. Soit parce que celui qui aime se présenter comme un « tough » a eu l'air faible, manipulable et crédule.

Cela dit, ne soyons pas dupes à notre tour. Une grande majorité de républicains continuent d'appuyer aveuglément Donald Trump, pour toutes sortes de raisons. Tout comme ils ont maintenu leur appui après la brèche créée par la politique controversée touchant les migrants.

Mais cette semaine, comme l'a dit le sénateur républicain Bob Corker, « une digue a lâché », aussi petite soit-elle. Il était temps.

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