Alexandre Taillefer s'est lancé dans l'arène politique en se joignant au Parti libéral du Québec, car il dit « avoir à coeur » le progressisme de ce parti et ses valeurs d'équité sociale.

Si l'annonce du dragon n'a surpris personne, son choix de formation a fait beaucoup réagir. Quant à son commentaire sur « les positions progressistes de M. Couillard », il a carrément fait bondir !

Or qu'en est-il vraiment ? Les libéraux sont-ils véritablement « progressistes », ou n'est-ce qu'une lubie de « millionnaires », comme l'a affirmé Gabriel Nadeau-Dubois dans une envolée plutôt populiste ?

Le débat est intéressant en ce qu'il fait écho à la place grandissante qu'occupe la dichotomie gauche/droite sur l'échiquier politique québécois. Une dichotomie qui, contrairement à celle qui oppose fédéralistes et souverainistes, se décline en 50 nuances de gris.

C'est encore plus vrai quand on s'éloigne des principales familles idéologiques comme le libéralisme ou le conservatisme en optant pour une expression équivoque comme le « progressisme ».

La preuve, c'est qu'Alexandre Taillefer se dit progressiste... tout comme le candidat de la CAQ Youri Chassin. Et pourtant, l'un est à gauche, l'autre très à droite. Le premier croit que l'État est au service du bien commun et le second pense exactement le contraire.

La raison est simple : quiconque se dit pour le progrès de la condition humaine, pour le changement social ou pour une amélioration du système peut s'autoproclamer progressiste, dans le sens littéral du terme.

C'est ainsi qu'on a longtemps eu au pays (et qu'il y a toujours en Ontario) un parti « progressiste-conservateur » (sic).

Mais il n'en reste pas moins que cette étiquette a un sens plus commun, qui évoque un positionnement à gauche du centre qui s'appuie sur un élargissement continu des droits de la personne, en particulier pour les minorités et les groupes vulnérables.

En gros, le progressiste ne veut pas changer l'ordre établi, il veut simplement l'améliorer. Il croit qu'un autre monde est possible, mais celui-ci n'est pas radicalement différent du monde actuel. Il vise une plus grande justice sociale, mais en ayant recours aux mécanismes de marché.

C'est manifestement ce positionnement qui sied à Alexandre Taillefer si l'on se fie à ses sorties passées. L'homme se dit parfois d'« extrême centre », parfois de gauche. Il est favorable à la croissance et au développement économique, mais au profit de la collectivité. Il a pris position pour un État fort, le salaire minimum à 15 $, l'aide gouvernementale à l'électrification des transports et l'adoption de mesures sociales fortes pour accroître l'égalité des chances.

On peut bien voir là « une étiquette vertueuse sans contenu qu'on s'approprie pour afficher sa supériorité morale », mais cette façon très réductrice d'analyser un positionnement qu'on ne partage pas en dit plus sur la personne qui juge que sur celle qui est jugée.

D'ailleurs, le progressisme d'un Taillefer ressemble beaucoup au social-libéralisme d'Emmanuel Macron, au « liberalism » des démocrates américains, ou encore à la « troisième voie » empruntée il y a une quinzaine d'années par Bill Clinton et Tony Blair. Une sorte de gauche pragmatique guidée non par l'idéologie, mais par « ce qui marche », pour reprendre l'expression utilisée à l'époque.

Ce qui nous amène à la question de départ : les libéraux sont-ils « progressistes », dans le sens privilégié par Alexandre Taillefer ? Oui et non. Tout dépend, en fait, du groupe de libéraux dont il est question.

Le PLQ est un parti progressiste à la base, c'est indéniable. On n'a qu'à penser à Jean Lesage et à Claude Ryan, à René Lévesque et à Paul-Gérin Lajoie, des hommes qui représentaient une formation campée davantage à gauche qu'à droite. C'est manifestement à quoi le nouveau président de la campagne électorale du PLQ faisait référence quand il a dit se joindre à « un parti qui, historiquement, a défendu des valeurs libérales, progressistes, d'équité sociale ».

Mais peut-on en dire autant des libéraux actuels ? Peut-on parler des « positions progressistes de M. Couillard », comme l'a fait Taillefer sur Twitter ? Pas vraiment, sinon en étirant un peu trop l'élastique.

Le Parti libéral qui s'est présenté aux élections de 2014 avait certes un programme de gauche (plus à gauche, même, que celui du PQ, si l'on se fie au Centre d'analyse des politiques publiques de l'Université Laval).

Mais soyons honnêtes, les libéraux n'ont pas gouverné à gauche.

Ils ont certes pris des décisions qu'on pourrait qualifier de progressistes (Anticosti, transport collectif, mobilité électrique, etc.), ils ont un positionnement libéral sur les questions identitaires, mais le fil conducteur du mandat a néanmoins été la rigueur budgétaire, qu'on ait aimé ou pas. Une rigueur qui a miné les grandes missions de l'État que sont la santé et l'éducation.

Et en cela, bien difficile de parler pour l'heure d'un parti véritablement progressiste, peu importe la définition qu'on privilégie.

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Alexandre Taillefer...

Sur la souveraineté

« Je suis plus progressiste qu'indépendantiste. »

Sur le PLQ

« C'est un parti qui, historiquement, a défendu des valeurs libérales, progressistes, d'équité sociale. »

Sur le progressisme

« Pour moi, le progressisme demeure au coeur de ce que le Québec est et de ce que le Québec doit demeurer pour s'assurer qu'on développe une économie forte, équitable et qui est au service de tous. »

Sur la gauche

« Si on considère que le bien commun, plutôt que le bien individuel, c'est la gauche, oui [je suis de gauche]. Mais je me considère davantage comme un centriste, même si ce n'est pas très original. Le progressisme que je défends nécessite une croissance et une activité économiques importantes. »

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