Le ministre de l'Éducation a signé un livre courageux à la veille des prochaines élections.

Il est déjà osé pour un député au pouvoir de prendre la plume et de coucher sur papier des opinions claires, mais dans le cas de Sébastien Proulx, cela se double en plus d'un regard lucide sur le milieu de l'éducation.

Dans cet essai au titre évocateur, Un Québec libre est un Québec qui sait lire et écrire, il critique à la fois le « corporatisme » des syndicats qui tirent sur tout ce qui ressemble à du changement... et le « manque de crédibilité » du ministère qu'il dirige.

Mais le passage le plus intéressant du livre est ailleurs. Il porte sur le métier d'enseignant, cette profession « à part des autres », comme l'écrit le ministre avec affection. « Sa finalité n'est pas la même que celle des autres professions. Parce qu'enseigner, c'est forger le futur. »

Le ministre en appelle ainsi à une plus grande valorisation de cette profession qui « fait face à un certain nombre de défis », reconnaît-il avec pudeur.

M. Proulx n'évoque malheureusement pas la rigueur budgétaire imposée par son gouvernement, mais il cite tout de même, parmi ces « défis », le manque de professionnels, la précarité d'emploi et les conditions de travail.

Dans un tel contexte, un réinvestissement massif en éducation est bien sûr nécessaire, comme le reconnaît son gouvernement, mais en soi, cela ne suffira pas à valoriser la profession d'enseignant.

Et c'est là que le livre de M. Proulx devient intéressant : en ce qu'il met la barre haut, autant pour lui-même s'il demeure ministre au-delà des prochaines élections, mais aussi pour les enseignants eux-mêmes.

Le ministre suggère en effet une « réelle conversation » sur les conditions de travail des profs. Une formation en enseignement menant à un diplôme de deuxième cycle. Un programme pour encadrer la formation continue. Une évaluation des enseignants en milieu de travail.

Et plus encore, il ose faire une incursion là où tous les gouvernements se sont hélas cassé les dents ces dernières années : en proposant, comme la Coalition avenir Québec, la création d'un ordre professionnel.

Tant mieux ! Les syndicats s'y opposeront, c'est dans l'ordre des choses. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à cette idée qui a permis de rehausser le statut des enseignants en Ontario, entre autres.

De par sa seule existence, en effet, un ordre professionnel est une marque de reconnaissance pour les enseignants. Sa mission est évidemment de protéger le public, mais il permet aussi à la profession... de se professionnaliser.

Les syndicats ont pour objectif de protéger les droits de leurs membres, mais l'ordre élargit le spectre en ajoutant des devoirs. Il encadre la formation continue et impose des évaluations régulières, par exemple. Il voit au respect des normes déontologiques. Et il répond au public au nom des membres, ce que ne font pas les centrales syndicales.

Au Québec, les enseignants réclament plus d'autonomie depuis toujours, avec raison. Mais cette autonomie doit s'accompagner d'un encadrement, d'un mécanisme d'évaluation formel, d'un processus rigoureux de traitement des plaintes et d'une formation régulière obligatoire comme il y en a pour toutes les professions importantes.

Autant de choses qui sont promises depuis des lunes par les représentants des enseignants, mais qui ne voient jamais le jour. Manifestement, « l'approche volontariste n'est pas suffisante », comme le soulignait le rapport Champoux-Lesage il y a trois ans.

Certains enseignants craignent que l'ordre ne soit rien d'autre qu'un tribunal qui aura droit de vie ou de mort sur leur pratique. Mais ils oublient que pour que leur expertise soit davantage reconnue et légitimée, il faut pouvoir l'attester, la mesurer, l'authentifier.

Il faut, autrement dit, de la compétence et de l'intégrité, mais il faut aussi pouvoir témoigner de cette compétence et de cette intégrité. Les enseignants qui se désolent aujourd'hui de la piètre reconnaissance sociale dont ils jouissent, qui se plaignent d'un sentiment de manque de prestige, d'autorité et de crédibilité, auraient tout à gagner à être représentés par un ordre, en plus d'avoir un argument massue pour réclamer de meilleures conditions de travail, notamment salariales.

Les syndicats, évidemment, y sont viscéralement opposés, voyant cette idée comme une « déclaration de guerre », rien de moins. Ils font remarquer que l'Office des professions s'est montré réticent à recommander la création d'un ordre en 2002.

C'est vrai. Mais pourquoi donc ne pas redemander à l'Office ce qu'il en pense, 15 ans plus tard ? Cela pourrait-il rapprocher les parties ?

L'idée ne se retrouve pas dans le livre de Sébastien Proulx, mais elle aurait bien pu. Car le ministre en appelle « à l'apparition d'une véritable culture du développement professionnel au sein du corps enseignant ». Précisément ce que permettrait la création d'un ordre.

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