Les photos ne mentent pas, dit-on. Et celles qui nous proviennent d'Inde en sont la preuve éclatante.

Les images abondantes qui, jour après jour, racontent le voyage de Justin Trudeau dans ce pays émergent révèlent en effet beaucoup du premier ministre. Il y a évidemment cette obsession de la communication. Ce désir permanent de la mise en scène. Cet intérêt pour les vêtements, les costumes et les différences culturelles.

Mais derrière la façade, ces photos révèlent quelque chose de plus capital encore : la façon dont Justin Trudeau aborde sa fonction de premier ministre.

Les images en témoignent : il se voit comme une personnalité, mais pas vraiment politique. Il se voit comme un représentant du Canada, un ambassadeur de bonne volonté, un dignitaire de haut rang. Sa charge semble être protocolaire, quasi honoraire.

Bref, Justin Trudeau ne se voit pas comme un homme d'État, mais comme... un gouverneur général.

Et il n'y a là aucun jugement de valeur. C'est de cette façon qu'il a lui-même décrit sa fonction en 2016, lorsque la commissaire à l'éthique l'avait interrogé sur son voyage chez l'Aga Khan : « de nature cérémoniale ».

Qu'on ne s'étonne pas ensuite qu'en tout et pour tout, il passe une journée sur huit à travailler lors de sa « visite officielle » en Inde avec toute sa famille ! Son rôle dans les réunions, selon son propre témoignage, consiste essentiellement « à enrichir la relation entre son vis-à-vis et le Canada ».

« Les réunions auxquelles il assiste en sa qualité de premier ministre ne sont pas des réunions d'affaires, écrit la commissaire. Il s'agit plutôt de réunions de haut niveau visant à entretenir les relations et à s'assurer que toutes les parties vont dans la même direction. Les détails sont réglés avant ou après. »

La comparaison avec l'actuelle gouverneure générale n'a donc rien de farfelu. Justin Trudeau apprécie les fonctions cérémoniales, il représente le Canada à l'étranger, il avance les causes qui lui tiennent à coeur, il promeut un sentiment d'unité et d'identité... autant de choses qui relèvent officiellement de Julie Payette.

L'interminable voyage en Inde du premier ministre est ainsi un puissant révélateur de cette manière inusitée d'aborder son rôle. Un rôle qu'il assimile à celui d'un représentant de la Couronne qui a peu de prise sur les décisions courantes, qu'il laisse à d'autres.

D'où l'impression d'une famille royale qui s'est imposée dans un pays qui ne l'attendait pas et qui ne savait trop qu'en faire.

D'où ses innombrables séances photo qui ressemblaient aux mises en scène du couple Harry et Meghan Markle, avec enfants en prime.

D'où cette parade des vêtements traditionnels, ces visites des lieux culturels, ces séances de pâtisserie, de prières, de danses et autres, comme on en voit habituellement lors des (véritables) visites royales.

Ce voyage était ainsi, avant même qu'il ne débute, la chronique d'un fiasco annoncé. « L'un des pires désastres diplomatiques en Inde » depuis 20 ans, a affirmé un universitaire indien dans le quotidien Hindustan Times.

Les bourdes collatérales n'ont fait qu'ajouter une couche, comme cette invitation faite à un Canadien qui avait tenté d'assassiner un ministre indien ou les possibles propos formulés par le premier ministre sur les dangers du séparatisme québécois.

Jusqu'ici, Justin Trudeau avait su négocier avec justesse les risques du tout-à-l'image. Il s'était départi de ses habits de politicien sans envergure. Il avait même réussi à gagner en crédibilité sur les plans politique et intellectuel.

Mais cette semaine catastrophique en Inde ramène l'impression d'un dirigeant qui priorise l'image avant le contenu.

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