Il y avait effectivement quelque chose de « colonisé » dans les rares mots de français prononcés par le gérant de la boutique Adidas pour « accommoder » Montréal et les médias francophones.

Mais bon, ne perdons pas de vue que l'anecdote a beau avoir un côté « colon », comme a dit Régis Labeaume, elle demeure quand même... anecdotique. Et s'il y a un sujet sur lequel il faut éviter de tirer de grandes conclusions à partir de cas uniques, c'est bien l'avenir de la langue française.

On n'a d'ailleurs qu'à regarder les différentes nouvelles ayant fait l'actualité cette semaine pour se convaincre de la complexité de l'enjeu.

D'un côté, il y avait ce rapport décourageant de la vérificatrice générale qui déplorait l'échec de la francisation des immigrants (voir second éditorial). Et de l'autre, il y avait cette étude de l'Office québécois de la langue française qui saluait le succès de la politique linguistique du Québec en matière de langue de travail, alors qu'un nombre grandissant d'anglophones et d'allophones parlent français en entreprise.

On ne peut donc pas conclure que le français est dans un état de déperdition considérable au Québec à partir de ces constats contrastés.

Pas plus qu'on ne peut affirmer que le français disparaît du centre-ville de Montréal à partir de la bourde d'un inconnu qui n'a aucune sensibilité pour la situation linguistique du Québec.

De toute façon, on en saura plus prochainement sur l'état du français dans la métropole, car l'OQLF mène actuellement une étude sur la langue d'accueil et de service dans les commerces de l'île. Ses conclusions seront dévoilées d'ici la fin mars.

Mais en attendant, il faut se garder de grimper aux rideaux au moindre incident. Et il faut éviter de prendre nos perceptions pour la réalité. Ce contre quoi, justement, nous mettent en garde les études linguistiques passées.

La dernière analyse sur « la langue d'accueil et de service dans des établissements commerciaux » menée par l'OQLF concluait en effet, en 2010, qu'il existe un fossé entre nos impressions et ce que l'on observe réellement sur le terrain.

Alors qu'on évoquait l'anglicisation du coeur de la métropole à l'époque, la chercheuse Yulia Presnukhina constatait plutôt « un progrès du côté de la langue d'accueil » au centre-ville ainsi qu'« une certaine stabilité quant à l'usage du français comme langue de service ».

« Ainsi, précisait-elle, une différence entre les déclarations des Montréalais et les résultats des observations relatives à la langue de service peut être constatée. »

Cela n'empêchait pas d'autres études de l'Office de s'alarmer de la montée de l'accueil bilingue dans certains commerces (bonjour/hi !), ou encore d'un nombre élevé d'affichages non conformes à la Charte de la langue française.

Mais chose certaine, ces différentes études ne nous permettaient pas de grandes conclusions apocalyptiques. Pas plus qu'on ne peut le faire aujourd'hui en brandissant l'affaire Adidas...

Cela ne signifie pas que le français se porte à merveille au centre-ville, bien sûr. Seulement qu'il faut éviter de prendre les feux de broussailles pour des incendies.

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